Bernard Lavilliers, 5 minutes au paradis

J’ai écouté avec attention une intervention du réalisateur cinématographique Barbet Schroeder dans une émission du 3 décembre  2017 consacrée à l’actualité ; il y faisait part du fil conducteur de ses recherches quant au comportement humain oscillant entre le bien et le mal, entre le beau et l’atroce.

Je venais d’écouter le dernier album de Bernard Lavilliers, 5 minutes au Paradis. Et tant d’heures dans l’enfer, me disais-je dans la foulée.

Une fois de plus Bernard Lavilliers aborde, avec une force qui percute et catapulte, des thèmes en prise directe avec l’actualité, le monde en proie à ses démons avec quelques éclairs de beauté. D’entrée de jeu, le rapport à la violence dans les conflits, homo sapiens « broyeur de mort, lanceur de feu ». Nous, les êtres humains, souvent en proie à nos faces les plus sombres.  Est-ce une façon de chercher La gloire ? Quant aux Croisières méditerranéennes, nous voilà face à la terrible réalité des migrations de fuite vers l’espoir. Et nous, dans nos replis frileux… Et moi, je me plaindrais ? ai-je écrit et chanté récemment.

La mise en forme musicale et nourrie, rythmée, au son des guitares, batteries, basses, percussions, synthés… Rock et chanson, chanson et textes qui claquent… Pas question de s’endormir. L’album est puissant, fougueux, porteur… d’Humanité dans ce qu’il pointe de douloureux. Avoir conscience et réagir… Rôle du poète.

5 Minutes au Paradis, sixième titre sur onze qui nourrissent l’album. L’homme confronté aux déchirements d’aujourd’hui. Puis vient la chanson suivante dans le rappel de la soirée horrible du Bataclan. Vendredi 13 ! Et la mort qui déferle.

Mais le monde aussi des affaires, de l’argent comme valeur absolue et le peu de cas fait à l’humain. Fer et défaire ! Que sont les laissés pour compte de Mittal devenus ? Bon pour la casse ! Autre chanson ; autre brisure ; autre fêlure. Le DRH, chargé des basses œuvres de licenciement, a tranché. Déshumanisation et inutilité de l’individu en marche à l’heure de la dématérialisation et du tout « en ligne », tendance à laquelle on n’échappe pas, même sur nos îles. Ouvrons les écoutilles du sursaut salutaire. L’album s’achève sur L’espoir, malgré tout, dans un beau duo avec Jeanne Cherhal : « Et si l’espoir revenait »

Henri Lafitte, Chroniques insulaires

8 décembre 2017

CD : Bernard Lavilliers, 5 minutes au Paradis – 2017