Gérard Noiriel, Une histoire populaire de la France

Intrigué par la symbolique du vêtement dans les périodes de forte contestation je voulais mieux percevoir la continuité du lien symbolique entre les bonnets rouges d’hier et d’un passé plus récent, les sans-culottes, les gilets jaunes, les bonnets phrygiens, les brassards orange…, histoire de mettre à poil l’inconnu quand, pour comprendre, sur la seule base de l’information continue télévisuelle, on peut toujours aller se rhabiller.

Une histoire populaire de la France de Gérard Noiriel aura répondu à cette attente. Un ouvrage passionnant, documenté, bien construit, une somme impressionnante, enthousiasmante et, sur le chemin de la lecture, une meilleure compréhension des rendez-vous d’aujourd’hui.

Rien de ce qui contribue à un équilibre décent de vie n’est le résultat d’un ruissellement naturel qui serait le fruit d’un humanisme généralisé.

Luttes, rapports de force, conflits sociaux auront permis des améliorations, souvent dans la douleur initiale. Le rapport dominants-dominés dans ses interactions complexes recoupe un cheminement multi-générationnel. Celui qui est enclin à déprécier un mouvement revendicatif, assis confortablement devant sa télé, peut avoir oublié les luttes qui auront contribué à son confort, les situations diverses des intervenants dans la fabrication de son sofa et de son écran plat.

La magie d’une cohésion sociale, intégrant des éléments souvent contradictoires n’est pas le fruit d’une volonté d’un saint-esprit imaginaire. La peur, le rejet sont souvent de mise avant l’émergence de nouveaux équilibres.

La lecture de ce livre – 830 pages – particulièrement documenté permet de prendre toute la mesure des luttes qui auront permis l’émancipation de l’homme dans l’espace France. Comment ne pas être frappé par la résurgence de clivages qui nous apparaissent de la dernière modernité alors qu’il suffit de regarder légèrement en arrière pour les retrouver…

Gérard Noiriel fait un travail rigoureux d’historien mais son écriture est accessible et nourrit la réflexion. Certes, après avoir découvert l’ensemble, la reprise par chapitres qui auront retenu plus particulièrement l’attention du lecteur en fonction de ses interrogations sera source d’enrichissement.

Car il n’est jamais facile de prendre la mesure des événements dans des périodes troublées.

Henri Lafitte, Chroniques insulaires

19 décembre 2018

Gérard Noiriel, Une histoire populaire de la France, Agone 2018 – ISBN : 978-2748903010