Chronique du 5 avril 2006

Force est de constater que l’on a en France une classe de dirigeants majoritairement médiocres. C’est au moment où s’accentue encore le sentiment de perte accélérée d’un certain bien-être français dont aura joui la génération des années Pompidou, rangé au placard de la mémoire, que l’angoisse, le désarroi s’accroissent du fait de la précarité, du nombre impressionnant de chômeurs – 8 millions -, de sans toit assuré – 1 million – , que le gouvernement Villepin en a mis une couche en se claquemurant dans l’arrogance.

Comment ignorer à ce niveau de responsabilités que la sinistrose s’est emparée du pays et que le mal est désormais profond ? La crise du CPE n’est-elle pas un remake du ras-le-bol exprimé lors du référendum sur la Constitution européenne ? Quelle leçon aura donc été tirée depuis à la timonerie du radeau France médusé ?

Comment ne pas hurler face à des politiques qui au lendemain de la manifestation monstre du 30 mars se seront contentés d’indiquer imperturbables que le sujet n’aura pas été abordé lors du Conseil des ministres du mercredi ? Un manque de respect inadmissible ! Effarant ! L’exception française dans l’ampleur de sa vanité…

Ce mardi 4 avril 2006, les manifestations auront été tout aussi impressionnantes que la semaine passée. Ne doutons pas que la caste aux manettes s’en lavera tout autant les mains. Pendant ce temps le décrochage s’accélère avec le reste du monde, là où le souffle prévaut, l’esprit combatif et sans doute des dirigeants plus crédibles.

Saint-Pierre et Miquelon se sera senti concerné, la jeunesse ayant entraîné moult adultes dans son sillage, occasion de faire dire au nouveau président du Conseil général à propos du CPE : « Ça correspond à une erreur politique du gouvernement ». L’on aurait certes souhaité entendre député et sénateur pro UMP s’exprimer. Mais le monde politique précisément est porteur de tant de contradictions qu’il ne faut pas s’étonner de la montée des incompréhensions. La gauche, quant à elle, ne peut oublier qu’elle porte sa part de responsabilité dans les errements qui auront conduit à l’impasse actuelle.

Difficile donc d’entrevoir l’avenir sans un débat de fond qui peut être la trame des rendez-vous à venir. La dette n’attend pas, elle s’amplifie ; les prises de conscience de demain risquent d’être encore plus douloureuses.

L’Archipel a peut-être rejoint, sans le savoir, en ce jour resplendissant de soleil, l’arène des macro-défis qui se profilent au sein de l’ensemble français.

Henri Lafitte, Chroniques insulaires
4 avril 2006