D’abord il y a le format, un livre qui tient dans la paume de la main… ; comme on pourrait saisir un pavé un jour de révolution… Bon, j’exagère… Je plaisante, je me dilate l’imaginaire.
Tout ça pour te dire que mettre un doigt sous la première de couverture d’un roman d’Eric Vuillard t’entraîne immédiatement dans les rapides du Verbe. 14 juillet ! Cette année, je me suis retrouvé sur scène à Saint-Pierre pour dorer la pilule au soleil de l’insouciance qui nous dorlotait dans le farniente de l’oubli, en quelque sorte. Car fêter le 14 juillet nous ramène à quoi ? Je te le demande… Dans la mare du temps trépassé, une bonne gueuse en cannette rotaryenne dans la paluche. Non ?
14 juillet d’Eric Vuillard te prend donc au colback et t’immerge dans l’effervescence de… 1789 ! Me voilà saisi dans un tourbillon de mémoire, précipité au temps où je me plaisais à faire découvrir la Révolution française aux accents d’un opéra rock (textes d’Alain Boublil et Jean-Max Rivière, musique de Claude-Michel Schönberg et Raymond Jeannot), sorti en 1973, épiscope me permettant de renvoyer sur le mur le livret superbement illustré de l’album 33T. « Sire, ils ont pris la Bastille. C’est une révolte ? Non, Sire, c’est une révolution » !
J’étais emballé par cette mise en forme musicale d’un événement clef de notre Histoire ; le roman d’Eric Vuillard m’aura tout autant aiguillonné par son rythme « jubilatoire », (p.72) d’images et de son. Car le peuple vit, vibre. Pas de héros mais des noms en action affublés d’un métier ou l’inverse, tous « syllabes de vérité »… (p.86)
Te voilà, ô lecteur, dans le… feu de l’action, étonné de te trouver dans la foule qui converge vers la Bastille, tous comme ceux qui auront vécu une page clef de l’Histoire, sans calcul, dans l’immédiateté de la révolte contre l’insupportable. Eric Vuillard maîtrise l’écriture haletante qui te fait palpiter jusqu’à la dernière page.
Henri Lafitte, Chroniques insulaires
30 juillet 2017
Eric Vuillard, 14 Juillet – Actes Sud, 2016 – ISBN : 978-2-330-06651-2