Chronique du 31 mars 1999

À Saint-Pierre, les rapprochements publics entre bords politiques opposés sont rares, mais ils existent. J’en veux pour preuve l’article intitulé « L’histoire de la Commune en marchant », paru dans L’Echo des Caps du 26 mars 1999.

Je note au passage que plus l’économie de l’archipel piétine, plus on veut faire marcher les gens. Le député de Saint-Pierre et Miquelon en est à sa seizième édition des 25 km de Miquelon ; l’adjoint au Maire de Saint-Pierre veut lui aussi nous montrer la route. À un an de la Marche du siècle, nous sommes, c’est évident, à la croisée des chemins.

Il s’agit, par conséquent, pour les concepteurs du projet, de valoriser divers sites de Saint-Pierre en créant « plusieurs parcours terrestres citadins. » Parmi les thèmes susceptibles de ravir le marcheur, trois seront prioritairement proposés :

  les grands incendies

  l’affaire Néel

  le parcours patriotique.

Si, après ce parcours, vous n’avez pas envie de vous déstresser, comme le dit si bien le député dans son mémoire sur « Comment préparer les 25 km de Miquelon» (cf. Chronique insulaire du 29 mars 1999), c’est que vous êtes d’une indifférence et d’une insouciance crasses. Ou pire, avec vos 3600 bagnoles pour 60 kilomètres de voies carrossables, d’un automobilisme à casser les pieds à tous les encenseurs de la marche.

À propos du dernier thème, rien de tel, admettez-le, que la patrie en danger pour se serrer les coudes. Frédéric Beaumont, adjoint au Maire, ne rejoint-il pas Guy Lelorieux, conseiller municipal de l’opposition, afin de défendre les vestiges des fortifications du Fort Lorraine, dernier lambeau de tranchée remontant à la seconde guerre mondiale à avoir échappé aux pelles mécaniques et à l’habitat individuel dans le quartier de la « Butte » qui domine la ville ?

Il s’agira donc de déblayer et surtout d’étayer les tranchées en commençant sans doute – vous l’avez deviné -, à couler une… semelle.

Soulignons la classe de la démarche : une tranchée qui unit…, le symbole a de la gueule.

La réconciliation est d’ailleurs scellée par les remerciements du premier adjoint au Maire adressés à Guy Lelorieux à qui revient l’initiative d’avoir voulu préserver ce haut lieu, à la tête du « Collectif de sauvegarde du Fort Lorraine» qu’il préside.

Excellente idée par conséquent, et projet global motivant pour une communauté qui a besoin de préserver les empreintes de son passé. Frédéric Beaumont n’oublie pas de souligner en passant que la proposition de son rival minoritaire s’inscrit dans une démarche déjà entreprise par sa majorité.

Mais foin de préséance, retenons que le coût de l’ensemble de l’opération est modeste : 180 000 francs.

Une question se pose toutefois : ce projet pourra-t-il être réalisé, sachant que dans le même numéro de L’Echo des Caps, le Maire et son équipe municipale ont refusé de voter le budget ? La guerre de positions aurait-elle donc repris avant la restauration des tranchées ?

Fichtre ! Je stresse à l’idée de fouler peut-être là le boulevard de l’unité retrouvée.
« En passant par la Lorraine
Avec mes sabots… »

Henri Lafitte, Chroniques insulaires
31 mars 1999