Chronique du 14 août 2002

C’est au mois d’août
Qu’on met les bouts…, dit la chanson.
Erreur : il fait beau… depuis plus de trois jours ! Une performance, diront les uns. Ça ne va pas durer, diront les autres. Chaleur et soleil sont au rendez-vous, n’en déplaise aux esprits maussades. Mais sache, ô lecteur croulant sous la pesanteur caniculaire, qu’un temps bien embrumé par une température clémente, n’a rien de désagréable.

Imagine nos îles subarctiques transformées en paradis tropical, moins les moustiques. Vois ces baigneurs de s’ébrouer sans paravent dans le courant du Labrador, comme mon Labrador qui n’a pas attendu une déviation du Gulf Stream pour se jeter à l’eau. Vois ces fonctionnaires dégoulinant de sueur dans des bureaux non climatisés – on a installé une horloge pointeuse à la préfecture, on ne va tout de même pas leur installer l’air conditionné, surtout que, si l’on y réfléchit bien, l’air d’un fonctionnaire est de toute manière conditionné. Vois ces enfants gavés de crème solaire. Vois ces pelleteuses creusant à grands godets les chaussées découvertes, vu qu’il fait si chaud. Vois ces touristes déambulant dans les rues empoussiérées en quête d’ombrage. Vois ces caravaniers au détour des sentiers langladiers. Vois Miquelon, puis vois Saint-Pierre. Et prends une bonne bière si tu as soif.

Mais de grâce, ne regarde pas la télé. Il pleut sur les écrans comme il pleut sur les villes, sur les Russes, les Chinois, les Allemands et les Tchèques. Il pleut tellement anormalement que tu finirais par te dire que la terre se dérègle et c’est tellement confortable de ne pas voir, comme les Américains. Pour peu que tu te dises que cette île n’est qu’un coin de Terre, et que la Terre n’est qu’un globe et qu’on est en train de se la foutre dans l’œil.

Joue à l’éternel estivant qui fait du pédalo sur la vague en rêvant sur la plage de Savoyard et ferme les yeux.

Henri Lafitte, Chroniques insulaires
14 août 2002