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Frasiak, Parlons-nous

Les festivals ne sont-ils pas des îlots de découverte privilégiée ? Celui des Déferlantes atlantiques n’aura pas loupé l’embarquement pour Langlade (expression à haute connotation imaginative).

Du coup, après avoir entendu Frasiak à Miquelon, seul comme un grand avec sa guitare Martin, je me suis consacré à l’écoute de son dernier CD, Parlons-nous, sorti en 2009. Accroché que j’ai été, ô lecteur, dès le premier morceau qui a toute la structure d’un tube, dans sa forme et dans son contenu. Aller-retour du regard entre générations, « T’étais pas né ». Et le tout, dans un bon rendu sonore que sur une installation hi-fi ça sonne bien. Et puis des mots à la mesure de la chaleur humaine qui se dégage de l’artiste ; qui sait de surcroît tourner un « Merci d’être là » en traduisant tout ce qui traverse la caboche de qui monte sur scène. Eh oui ! Ce pas que l’on franchit est chargé de tellement d’attente et d’incertitudes. Funambule d’une âme qui soudain se révèle dès les premières notes, aux sonorités rock soigneusement agencées, avec une envolée de guitare convaincante dans le final.

Frasiak.jpg « Parlons-nous », est sans doute un fil conducteur qui exprime la sincérité de l’auteur dans le rapport aux autres, ce que nous aurons pu constater lors de son passage dans nos îles ; Eric Frasiak aura suscité l’adhésion de tous, à commencer par tous ceux qui se côtoient dans l’organisation d’un festival. Saine convergence entre l’écrit, le chanté et le vécu, je te le dis, ô lecteur avide de vérité de l’être. Aussi le titre mérite-t-il toute sa place pour porter l’album de quinze morceaux. Leur facture s’accompagne du souci du détail qui chasse tout risque de monotonie de l’écoute. D’ailleurs, l’ensemble s’écoute de façon fort agréable. J’ai particulièrement vibré à l’hommage à François Béranger, d’une beauté d’expression à vous faire frissonner l’échine. Ben mon gars, pour un peu, je me serai laissé avoir par la larme à l’œil, tu sais celle d’un homme qui ne veut pas révéler ses fragilités pour avoir vécu ses propres déchirements. Sensiblerie ? Mais non. La vie. Quant au « Tango de la Jet Set », je ne sais pourquoi, mais j’ai aussi pensé à Gilbert Laffaille. Regard percutant sur la société et mots justes, bien cadencés, dans le défilement des observations. Autre titre phare de l’album, assurément. Bref, c’est « la vie qui court » qui aura également attiré mon attention, en live, à Miquelon.

Comment ne pas être sensible à cette évocation du « Tais-toi » assené lorsqu’il était jeune ? Un « Tais-toi » pour un « Parlons-nous ». Une prouesse de contradictions surmontées, n’est-il pas vrai ? Eh oui, ô lecteur, dans ce monde dit de communication, sommes-nous encore capables de vraiment nous parler ? Et si la musique peut le permettre, alors, ne boudons pas notre plaisir. La dynamique du « Tais-toi » nous entraîne dans un flot d’évocations justes où perle l’humour. T’ai-je dit que la chaude limpidité de la voix de l’artiste fait aussi partie intégrante de l’écoute ? C’est fait.

Et dans mes chansons de découverte, à même de toucher l’insulaire qui écrit, il y aura eu « Bar Le Duc City Blues ». Je la classe dans mes préférées. Pas banal non, alors que je suis aussi décontenancé dans mon regard vers la Lorraine qu’un métropolitain se disant : mais au fait, c’est où Saint-Pierre et Miquelon ? Découvrir et adopter l’imaginaire ? C’est pas beau la poésie ? Allez, « On fait du rock » et Frasiak, il sait faire, cadencé, cas dansé. Car les pieds te démangent aussi, forcément. Et puis il faut le dire, quand même : « J’aime pas les chanteurs » des « bonimenteurs ». Culotté non ? Mais faut toujours essayer de se décentrer ; cela évite d’avoir la grosse tête. J’aime bien ; on en voit tellement se la prendre pour ce qu’elle n’est pas. Tiens, je vais me presser deux oranges. (mais non, je t’en prie, ne te presse pas le citron, cherche pas à comprendre)

Et puis il y a une belle chanson pour évoquer « l’Air bleu », le bar de son frérot à Saint-Nazaire. Le hasard aura fait qu’un pote musicien y aura fait halte du temps de sa jeunesse échevelée. Et puis chez nous, les ambiances de ports, ça nous chavire le blues, bien sûr. C’est décidé, j’irai y poser ma vareuse quand l’occase se présentera.

On s’achemine vers la rive ultime du CD quand soudain la chanson « Vingt ans », texte de Léo Ferré, vous prend aux tripes. Force de l’écrit, vibration profonde de l’interprétation. Du beau, du très bon. Putain ! Mais c’est que ça me perturbe, bordel. On ne sort pas insensible de ce genre d’écoute.

Notes ambiance piano bar pour le dernier titre. Bien vu, dans la foulée. « Je sais cette brûlure des amours difficiles... » La vie est réécriture perpétuelle ; mais, de la musique, avant toute chose…, écrivait un poète. Qui sait ?

Henri Lafitte, Chroniques musicales
30 juillet 2011

Frasiak, Parlons-Nous, Crocodile Productions 2009
Site internet : http://www.frasiak.com/