De la magie des passerelles…

Dans un monde en proie aux cloisonnements, qu’il est difficile de trouver les passerelles. La Vie est à ce prix, quel que soit le point d’ancrage. Ainsi en va-t-il de nos îles, dans notre environnement spécifique. 

Trouver des ouvertures, établir des liens, redonner du souffle à l’économie d’un archipel déstabilisé depuis la fin de la Grande Pêche…, tout un défi. Les blocages, les points d’achoppement se présentent vite. Opportunité ici, impossibilité là. La tour de Babel renaît souvent de ses cendres tel un vaisseau fantôme. 

Dans Pélagie-la-Charrette, Antonine Maillet relate l’aventure de trois éclaireurs acadiens soudain retenus prisonniers par les Iroquois. Nous sommes en 1776 ; ils ont voulu s’accaparer une peau de renard pris dans un piège. Mal leur en a pris.

Et le premier d’expliquer pourquoi, le désir de ne paraître déguenillés devant ceux qu’ils sont allés retrouver, sur leur chemin de retour vers leurs terres d’origine. Devenus prisonniers et condamnés à mourir, ils sont prêts à travailler la terre pour les Iroquois, dit un premier. Et tous de s’esclaffer. Travailler la terre alors que leur rapport à la nature ne le demande pas. Le deuxième d’évoquer les liens amicaux avec les Micmacs. Mais les Iroquois de mépriser cette tribu. Terrible erreur. Le troisième, Basque, de sortir sa flûte. Il joue et tout est transcendé. Les trois Acadiens frémissent dans leurs souvenirs au son de cette musique. Les Iroquois plongent dans leur propre imaginaire. En récompense de cette beauté, le lien fraternel est enfin tissé.

Il est des passerelles à méditer…

Henri Lafitte, Chroniques insulaires

2 octobre 2022