Des ressorts peu catholiques…

Je me suis souvent interrogé sur ce qui avait amené les Anglais à être plus percutants que les Français pour s’établir dans le Nouveau Monde. La lecture de Emigrants de James Evans m’a apporté, dans son premier chapitre intitulé Fish, des éclairages dont je n’avais pas perçu l’importance, notamment la rivalité entre les religions. À la fin du XVIe siècle les Anglais étaient persuadés que les papistes étaient diaboliques et que la seule religion valable était la leur. Protestants, catholiques, le schisme était absolu.

Il est un homme, Humphrey Gilbert, qui aura beaucoup pesé auprès de la reine Elizabeth I pour que les Anglais chassent Français, Espagnols, Portugais de ce qui devenait l’Amérique du Nord, en développant leurs flottilles de pêche mais aussi en s’implantant sur les terres du Nouveau Monde, à Terre-Neuve par exemple, pour le rayonnement du royaume.

« The right strategy, he argued, was for the English to establish colonies: permanent outposts for trade and for plunder. Settlers would leave their overcrowded home. And they would fashion a New England across the Atlantic. » (p.30) La bonne stratégie, selon Gilbert, consistait pour les Anglais à établir des colonies : des avant-postes permanents pour le commerce et le pillage. Les colons quitteraient leurs maisons surpeuplées. Et ils façonneraient une Nouvelle-Angleterre de l’autre côté de l’Atlantique. « Newfoundland, Gilbert felt, was the place to start ». Terre-Neuve, estimait Gilbert, était l’endroit où il fallait commencer. Une façon décisive selon lui pour damer le pion aux damnés papistes.

Août 1583, Humphrey Gilbert arrive à St.John’s et proclame que cette terre appartient à la couronne d’Angleterre et que la seule religion est le protestantisme anglican. L’empire est en marche, même s’il faudra encore quelques années pour que la sédentarisation soit une réalité. Portugais, Espagnols qui fréquentaient la baie de St. John’s, auront été écartés. Il ne reste plus que la rivalité entre Anglais et Français qui eux ont opté principalement pour la baie de Plaisance.

Tout cela pour un arrière-plan en quelque sorte peu catholique…

Henri Lafitte, Chroniques insulaires

10 juin 2023

Livre cité : James Evans, Emigrants – Why the English sailed to the New World – Editions Weidenfeld & Nicolson – 2017 – ISBN : 978-1-78022-103-8