Metin Arditi, Le Turquetto

Un tableau célèbre, L’homme au gant, de Titien, un romancier qui lâche la bride à son imaginaire. Et si le tableau était de quelqu’un d’autre ?

Voyage à travers le temps et l’espace. Nous sommes à Constantinople au XVIe siècle.

Le roman nous emporte dans l’Orient complexe, interaction des religions oblige, Chrétiens, Juifs, Musulmans… Point d’orgue de cet entrelacement, la création artistique et l’émergence d’un grand artiste peintre, Juif en décalage par rapport aux obligations de son appartenance.

Orient complexe ?

« – Je suis Grec de Constantinople(…)

– Un Turchetto (petit Turc, note de l’auteur)… Et tu parles Espagnol ?

– Ma mère est morte à ma naissance. J’ai été élevé par nos cousins, des Juifs d’Espagne. » (p.95)

Nos fibres vibrent au fil des âges, à ressentir l’Orient, les odeurs, les couleurs, les êtres qui se côtoient, dans les heurs et souffrances.

Nous sommes sur les pas d’un « fils d’un employé du marché aux esclaves » qui « s’exile très jeune à Venise pour y parfaire et pratiquer son art. » (4e de couverture) L’auteur nous permet de saisir les tiraillements de tout un espace-temps, aux portes du Bosphore, puis les dessous de la Venise d’alors, ville-phare cloisonnée, entre société tournée vers les plaisirs et omnipotence d’une Église d’Occident inquisitoriale. 

Une toile bien réelle, au Louvre aujourd’hui, achetée en son temps par Louis XIV, un pas de côté d’un auteur convaincant, et s’offrent au lecteur un récit où l’on retient son souffle, un regard sur les tensions entre art et pouvoir, un roman captivant. 

L’être humain tire sa force de son imaginaire.

Henri Lafitte, Chroniques insulaires

24 juin 2023

Metin Arditi, Le Turquetto -Babel ISBN: 978-2-330-01869-6