Chronique du 16 novembre 1999

Contraste saisissant – car le temps refroidit – entre l’effet d’annonce sur les ondes de RFO quant aux peines encourues par les trois jeunes en goguette qui ont décidé de larguer les amarres du « Maria Galanta », la navette inter-îles, et les peines arrêtées par le tribunal.

Qu’on se rassure toutefois, le bateau n’a que des œufs sous la coque. Pas de quoi en faire un plat, jugeront certains. On aurait pu casser plus d’œufs, rétorqueront les autres. Je finis par avoir les foies, conclura un non-initié. N’empêche que l’addition aurait pu être plus lourde, précisera un sage. Il faut tout mettre à plat, en déduira un sociologue. Le problème, c’est que ces jeunes n’ont qu’un petit pois dans la tête, soulignera un psychologue. Il nous les gonfle, s’enflammera un sexologue. Il ne faut rien exclure, soupèsera un politologue. Tout fout l’camp, glosera un nostalgique des camps de jeunesse.

Le Veritas (bureau chargé de la Vérité maritime) a donné son feu vert. Le bateau peut reprendre du service, sa tôle est bonne. Les jeunes quant à eux sont en tôle, et cuvent leur vin. In vino veritas, auraient-ils pu entendre un jour s’ils avaient fait des études au long cours. On ne nous enseigne que des conneries, auraient-ils pu en déduire. Mais ils sont restés en rade, et ont perdu le nord.

Le jugement est rendu – l’officiel. Mais il fait des vagues.

  Ils n’ont qu’à recommencer, dit l’un.

  C’est ça la justice ? interroge un quidam.

La vase est dans le vase qui s’agite et chacun est troublé. Et sur le grand radeau, chacun est médusé.

Henri Lafitte, Chroniques insulaires
16 novembre 1999