Chronique du 29 Novembre 2000

Ô toi, lecteur assidu avide de nouvelles insulaires, sans doute ne t’apprendrai-je rien en te disant que depuis mon âge de raison (ce qui te donne un repère aussi précis que la dernière conviction d’un homme politique), j’ai vu un nombre considérable de projets tomber à l’eau sur la terre ferme.

Mais quand tout baigne sur le plancher des vaches, les pieds au sec en mangeant un T. Bone steak, pour le consommateur fébrile que nous devenons tous de plus en plus rapidement (que n’a-t-on pas consommé avant la première sortie vaginale !) quoi de plus naturel que l’oubli immédiat de la dernière noyade d’un ultime projet tombé dans les abysses de l’indifférence ?

Aussi, par décence et courtoisie, ne t’en citerai-je aucun.

L’échec, le 25 novembre 2000, de la conférence de La Haye qui aurait tout au plus garanti en cas de succès une montée des eaux dans quelques décennies (pour les plus optimistes) de 50 centimètres, m’amène à te dire que pour baigner demain, ça baignera encore, mais plus au propre qu’au figuré. Nous aurons donc les cuisses propres en étant dans de sales draps quand la terre tombera à l’eau..

J’explique.

 À quelle hauteur déjà se trouve le village de Miquelon ?

 Quelle est l’élévation de l’ancienne piste de Saint-Pierre, promise à la construction ?

 As-tu déjà observé (ou t’es-tu procuré une photo, ô lecteur éloigné ?) le niveau de l’eau à l’Anse à Ravenel ?

 Te souviens-tu des quelques épisodes récents de flottaison dans les bas quartiers de Saint-Pierre ?

 Bref, as-tu repéré les zones inondables si la mer monte de cinquante centimètres ?
Le tout par grand calme, pour être volontairement rassurant.

Pesons les avantages.

 N’a-t-on pas levé les bras au ciel il y a plusieurs années quand on a fait le quai en eau profonde en nous écriant : les cons, il n’y a pas un paquebot qui cale un peu trop d’eau qui pourra accoster ! ? Plutôt que de creuser, ne sera-ce pas une aubaine de voir l’eau monter ?

 Pour les Saint-Pierrais résidents de Langlade, ne verra-t-on pas l’opportunité de demander une nouvelle municipalité, la dune ayant été coupée, comme en 1913, mais cette fois sans doute, définitivement. À moins que quelques paquebots ne viennent à y couler, ce qui régénérerait le sable.

 Miquelon ne deviendrait-elle pas une cité lacustre que l’on irait visiter en zodiac, à condition qu’on ait remplacé l’équipement défaillant du Grand Barachois et de trouver les financements pour payer les guides ?

 N’éprouverions-nous pas un malin plaisir à boire cul sec ?

 Les poules ne seraient-elles pas toujours aussi mouillées ?

 Ne pourrions-nous pas, à Saint-Pierre, être menés directement en bateau à la préfecture ?

 La construction des doris à fond plat ne se trouverait-elle pas revitalisée ?

 Ceux qui ont de la bouteille ne trouveraient-ils pas leur rôle renforcé ?

 L’ ” enfant perdu ” ne serait-il pas définitivement noyé alors qu’il représente un risque réel pour la navigation ?

 Saint-Pierre ne retrouverait-elle pas sa vocation maritime ?

 Les enfants ne retrouveraient-ils pas une nouvelle ferveur en chantant ” Maman les p’tits bateaux… ” ?

 Ne pourrait-on pas plus facilement noyer le poisson en jetant tout par la fenêtre ?

Mais quelques inconvénients pourraient émerger.
Je te laisse le soin de les imaginer. La disparition des 25kms de Miquelon te donne déjà une indication.