« Cartes postales de Miquelon » au Vieux Bureau de Poste

Hasard de la vie. Je suis à Québec. J’ai lu dans un journal que Pierre Calvé chante ce 24 mai 2003, à Saint Romuald, en face de la capitale, au Vieux Bureau de Poste, un vrai, reconverti en petite salle de spectacle du genre de celle que l’on souhaiterait pour Saint-Pierre. Mais chez nous, on détruit ce qui est « vieux », on démolit avec acharnement, on reconvertit rarement.

La salle est pleine, ambiance chaleureuse avant même que l’artiste pour lequel tout le monde est venu n’entre en scène. Qui, parmi les admirateurs de Charlebois, sait que le grand succès de son répertoire « Vivre en ce pays » est de Pierre Calvé ? Chanson d’une brûlante actualité qu’interprètera l’auteur pendant la soirée, alors que la société québécoise est plus que jamais menacée d’américanisation.

Pierre Calvé est accompagné d’un claviériste, piano, synthé, accordéon et lui, comme d’habitude a sa guitare accrochée à la ceinture. Voix chaude, légèrement éraillée, chargée de sincérité et de grandeur d’âme, sensibilité à fleur de peau, qui porte toute une vie de chansons ciselées comme des joyaux. Dès la quatrième chanson, vibre l’hommage à Saint-Pierre et Miquelon qu’il a visité et revisité récemment. Nos îles font partie de son univers, de son imaginaire, de sa réalité. Car il n’a pas oublié. Voilà quelques décennies – Pierre Calvé s’amuse en soulignant qu’il est né en 1939. l’année où la guerre a été déclarée. Emotion pour nous trois, Jean-Guy et moi, et Roger Genois, celui qui nous rapporte avec fidélité dans sa besace la chanson de Pierre depuis des années, Roger, notre Québécois citoyen d’honneur, chaque fois qu’il revient chez lui, à Saint-Pierre. Mais l’artiste ne se doute pas que nous sommes dans la salle.

Et nous sommes portés au fil des rêves, de chanson en chanson, des plus lointaines aux plus récentes, dont celles d’ « Aquarelles », son dernier et très bel album. Mais Pierre est homme à choyer son public. Il lui offre la chanson qu’il a terminée la veille, heureux de partager sa joie, ses « Cartes postales de Miquelon ». Les applaudissements retentissent, la salle est ravie.

Puis vient sa « Dernière chanson », Pierre s’approche du bord de la scène, il n’a plus les projecteurs dans les yeux. Il scrute du regard et… nous découvre dans la pénombre, trois rangs derrière. Jean-Guy, mon bassiste et moi sommes avec Roger Genois qui a tant chanté « Saint-Pierre et Miquelon », de Pierre Calvé, en venant chez nous avec fidélité, depuis tant d’années. Extraordinaire échange d’une joie partagée. Un des moments forts que la vie nous réserve et qui fait que le bonheur existe.

Henri Lafitte, 24 mai 2003