Chronique du 23 juillet 2003

Et puis les algues, et puis le saumon, et puis les œufs de lump, et puis le thon, et puis le crabe et puis… le bulot. Quelle espèce assurera-t-elle la relève ? Pas d’espèce d’importance du moment que le Verbe se fait chair. Chair de poule, me diras-tu à force d’avoir le grand frisson. Pourvu qu’on ait la pêche, me diras-tu encore. Mais dans l’immédiat, les Nouvelles Pêcheries sont fermées. Qu’adviendra-t-il de notre usine à l’automne ? Risque-t-on d’être dans la mer ou dans la merde ? Certes nos égouts continuent de se déverser dans le port pour la douce satisfaction de nos naseaux badauds. Et les déchets issus de la transformation, ils vont où ?

C’est vrai que lorsqu’on ne transformera plus rien, il n’y aura plus rien à jeter. N’en jetez plus la baille est pleine. Pour le bulot, ça risque d’être dur. Regarde dans le Hachette, le mot n’est même pas dans le dico. Le Robert ne l’a même pas en son sein, c’est te dire. Donc si la chair du bulot se fait Verbe on aura au moins enrichi la langue française.

Mais le bulot n’est pas espèce nouvelle. Souviens-toi de la boëtte salvatrice qu’il représenta pour nos pêcheurs à l’époque des trois-mâts ! Rappelle-toi dans un passé plus récent la volonté de redynamiser les fêtes de carnaval, avec le roi Bulot comme emblème syncrétique. On se caillait les meules, mais on était heureux.

Le bulot n’est-il pas de la famille du coucou ? « Le bulot, il a l’arrière beaucoup plus rond que le coucou, le coucou il est plus pointu », nous rapportent Patrice Brasseur et Jean-Paul Chauveau dans leur Dictionnaire des régionalismes de Saint-Pierre et Miquelon.

Coucou le bulot ! Coucou les masques ! Ah ! Si les coucous s’envolent ! T’as déjà vu un coucou sans ailes ? Mais quand on aura épuisé tous les coucous, on pourra dire : Salut !

Henri Lafitte, Chroniques insulaires
23 juillet 2003