Chronique du 6 février 2005

Nouvelle interrogation sur les dangers qui guetteraient notre jeunesse.

Admettons le principe d’une réflexion nécessaire.

Alors allons-y.

Thèse : Si la jeunesse est déboussolée n’est-ce pas parce que les adultes lui donnent l’impression d’avoir perdu le nord ?

Développement : Que penser de tous ces gens cravatés, engoncés, bâîllonnés, rivés au gain, carcanés (néologisme), apeurés, soupçonneux, envieux, calculateurs, sûrs d’eux-mêmes, engrisaillés (et d’un autre), enfumés (ne me dis pas que la cigarette ne touche que les jeunes) qui constituent le pôle de référence ?

N’a-t-on pas voulu tout codifier, rationaliser, soupeser, évaluer, encalminer, encadrer, surveiller, alors que tout un chacun a besoin de sa part de rêve ?

De colloque en débat, de comité en cellule d’observation, la société est devenue triste et l’on s’y fait chier. Un « Mardi-Gras » vidé de toute substance à Saint-Pierre et Miquelon, en-dehors d’une animation à usage des tout-petits (ces chers bambins) n’est-il pas révélateur de cette perte d’essence régénératrice ? Halte au délire ! Halte à la fête ! Halte au défoulement ! Tout le monde est rentré dans le rang. De temps à un autre l’on se retrouve dans des enclos, une patinoire pour les uns – empoignades garanties pour un défoulement par délégation -, discothèque pour les autres (pour les uns et les autres, d’ailleurs, pourquoi pas). On n’aura même pas été capable de concevoir et de réaliser une salle de sports permettant au public de s’investir dans les transes nécessaires des rencontres sportives multiformes. Pas de salle de spectacles non plus malgré les grands palabres ; pas de lieux de rencontres suffisants pour des besoins diversifiés.

Planifier un parcours de carrière en se donnant l’illusion de l’immortalité, préparer sa retraite avant d’être entré dans l’arène de la vie, capitaliser, se protéger, se replier sur soi, ne trouve-t-on pas là les axes de notre existence insulaire où le chacun pour soi l’emporte ?

Mais la jeunesse s’y emmerde, ce qui déroute la pensée canalisée.

Antithèse : Si la jeunesse n’est pas déboussolée, est-ce que cela change quoi que ce soit à ce monde d’adultes qui ont perdu le nord ?

Henri Lafitte, Chroniques insulaires
6 février 2005