Gilles Servat, “Sous le ciel de cuivre et d’eau”

Impression fugitive initiale d’une reconnaissance mélodique – Le Moulin de Guérande ? – mais déjà les images qui ourlent de poésie, portées par la sensibilité et la profondeur de la voix de Gilles Servat dans la chanson d’ouverture, « Sous le ciel de cuivre et d’eau », le titre de l’album. Thème rassembleur pour une identité renouvelée car portée par la jeunesse dès le 2è titre dans un crescendo musical rassembleur – « Vous êtes l’enfance nouvelle… » -, puis le regard au coeur de la vie dans « Si tu t’en vas », avant de se laisser emporter par la danse constitutive de l’âme bretonne, « Dansons la gavotenn ». Nouveau CD forgé de grande sensibilité, de nuances, de mise en forme subtile et de beauté, jusque dans la pochette, soignée, comme une invite à l’osmose entre l’écoute et la lecture. Et cette nouvelle exploration de l’histoire d’un peuple à travers une chanson traditionnelle. Ecouter Gilles Servat c’est bel et bien s’imprégner d’une œuvre, chargée d’embruns, de sel, de souffrances, d’espoirs, de rêve, de tous ces éléments constitutifs d’un destin collectif épique.

Et la poésie omniprésente : « Elytres d’or / Vitre poudrée d’aurore… » chez un poète pétri de terre et de mer, dans sa cristallisation identitaire. Femme ou pays, allez savoir : « J’ai léché sur mes doigts ton sang de lunaison… » L’écriture a une force telle de renouvellement que l’on reste silencieux, recueilli, dans la joie profonde du Verbe. Je ne sais pourquoi, mes fibres nourries d’essence bretonne, basque et galicienne ont résonné aux accents de Rianxeira, la 9è chanson, propre sans doute à entraîner par ses réminiscences l’adhésion mélodique de tout Saint-Pierrais ou Miquelonnais. Puis une pause « Sur la montagne de Brasparzh ». Car l’auteur excelle à évoquer l’atmosphère d’un moment, ces scènes qui pourraient être fugitives sans le poète, dans le lien entre le regard et l’écoute : l’âme de la Bretagne est là, dans toute la force de l’évocation.

Ce nouvel opus est une réussite dans sa variété musicale également, allant jusqu’à des notes rockeuses pour évoquer un phare. Signe d’un parcours de vie chez un auteur en pleine maîtrise de son art, pour notre plus grand bonheur. Avant de nous séparer, emboîtons donc le pas du « Général des Binious » « « Voici son bateau qui passe / (…) Là où les sonneurs / Jouent les mélodies / Qu’il a rassemblées ».

Pour un ravissement toujours renouvelé.

Henri Lafitte, Chroniques musicales
16 septembre 2005

Gilles Servat, Sous le ciel de cuivre et d’eau – Label Productions 2005

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