Chronique du 12 novembre 2005

Parpaing dans le barachois fangeux, page inhabituelle de journalisme d’investigation dans la crise de la desserte maritime en un jour de commémoration de guerre des tranchées : la station RFO a porté à la connaissance du public, lors du journal télévisé du 11 novembre 2005, un document mettant en cause la société Alliance SA dans sa rivalité avec la société concurrente qui assurait encore en novembre 2003 la liaison Saint-Pierre – Halifax avec le navire Shamrock, une évocation d’un super coup fourré pour porter l’ultime estocade à un rival.

Le Préfet, présent sur le plateau, en est resté coi, par prudence tout à fait compréhensible du fait qu’il découvrait ledit document et qu’il pouvait y avoir conséquemment du mou dans la corde à nœuds sur la bitte d’amarrage.

Le téléspectateur aura ainsi pu prendre connaissance d’un courriel adressé au responsable de Delta Transport où il est question de « tactique » pas très belle pour, comme le mentionne le journaliste en voix off « éliminer directement l’adversaire », transmis à la station par un destinataire de la missive mais qui aura voulu garder l’anonymat,

Passé, présent et avenir en eaux troubles ?

Qu’en sera-t-il demain alors que l’Archipel se trouve privé de desserte digne de ce nom ? Les conclusions des experts venus faire le point seront remises aux ministres de l’Économie et des Finances et de l’Outre-Mer. Bref, on ne sait rien ; tout est à l’étude, alors que dans l’immédiat l’Archipel dérive à vau l’eau.

« Pour l’instant, je vais reprendre les contacts avec les dirigeants d’Alliance SA » de préciser le représentant de l’Etat, car la convention avec Alliance court en effet toujours, « Maman les p’tits bateaux qui vont sur l’eau ont-ils des jambes ? » de s’interroger un enfant.

« Il faut rassurer, les mesures seront prises » de répondre le Préfet à la journaliste de plateau ; avec tout ce qui flotte dans le dossier, difficile en effet d’être à la coule, de se dire le consommateur cocufié, anxieux d’avoir à se payer (un comble) le rationnement. Faudra-t-il retransformer l’aile récente de la préfecture en « bureau de ravitaillement » comme au bon vieux temps des années cinquante ? de s’interroger un plus ancien qui aura survécu à la guerre (la deuxième, à partir de celles qui se comptent)

Dans l’immédiat l’Askania reste à quai, les dockers n’auraient pas été payés ; la population quant à elle reste médusée sur le radeau.

Quel tableau !

Henri Lafitte, Chroniques insulaires
12 novembre 2005