Du silence des agneaux…

Voilà donc plus d’une semaine que l’Archipel est privé de desserte maritime – le problème récurrent ayant d’ailleurs été à nouveau posé plusieurs jours plus tôt – entre Halifax en Nouvelle Ecosse et Saint-Pierre, une interruption cette fois d’autant plus longue et préoccupante que le silence des uns, l’absence de réponses des autres inscrivent la crise dans la durée.

D’un côté, une compagnie, Alliance SA, qui aura signé un accord avec l’Etat pour assurer la régularité du ravitaillement, obligée de mettre fin au service pour lequel elle s’était engagée, du fait de l’effondrement des volumes et valeurs transportés provoquant un écart insupportable avec les prévisions retenues en accord avec le représentant de l’Etat, de l’autre, l’Etat rappelé par les partenaires diversifiés – transporteur, importateurs, distributeurs, consommateurs -, à son devoir d’assurer la continuité territoriale, ne serait-ce que pour une question évidente de santé publique.

Chacun aura pu remarquer le silence quasi total des politiques en la matière, en-dehors d’un courrier de circonstance du député et de son bord politique, ainsi que d’une réaction du mouvement Cap sur l’Avenir et d’une première ébauche d’analyse dans une publication de « Radical Info » de novembre 2005. Compte tenu de ce constat, comment peut-on aboutir à des propositions crédibles ? Côté Conseil général, c’est le mutisme. Le vide sidérant dans la représentation politique dans une crise aussi grave n’augure rien de bon pour l’avenir. Dans un tel contexte, les notions mêmes de gravité et d’urgence sont complètement escamotées.

A cela s’ajoute l’indifférence générale. Nous sommes loin du battage médiatique autour de la grève de la SNCM pour la desserte de la Corse. Ici nous ne pesons pas lourd et le Pouvoir jacobin se moque des petits.

Constatons aussi le mutisme de toute autre forme de représentation sur l’Archipel. Certes, un syndicat menace de faire grève en décembre parce que les négociations dans le secteur du commerce n’auront pas eu lieu ; mais que restera-t-il du commerce si la situation de blocage actuel perdure ? Car ici, dans ce bout de France en Amérique du Nord, nous faisons mieux que les Etats-Unis avec Castro, le blocus vient de l’intérieur.

Pénurie de produits frais, répercussions dans tous les domaines à l’instar du besoin en médicaments se feront rapidement ressentir, sans oublier l’effet « dominos » sur l’ensemble des activités. Passivité, fatalisme, absence de représentation digne de ce nom, le passif sera de plus en plus lourd. N’est-il pas urgent d’en prendre conscience ?

Henri Lafitte, Chroniques insulaires
15 novembre 2005