L’adage ne dit-il pas « « Tout vient à point à qui sait attendre » ? La réponse est souvent au bout du chemin. Mais qu’en est-il lorsqu’il s’agit d’itinéraires ?
L’incertitude est levée : « Itinéraires », tel est le titre du nouveau CD d’Affaire DOM. Depuis le temps qu’on l’attendait. Pochette colorée, illustration par la fille du couple pivot du groupe, Bérangère Bouvier, donc de Denis, le bassiste, celui qui aura écrit la plupart des textes et composé plusieurs mélodies et de Dominique, la voix, riche de l’expérience, ourlée du bonheur de s’accomplir enfin. Le tout est porté par les cordes d’Eric Poitras aux guitares ou à la mandoline et l’aide de Brian Quaye, le Montréalais, qui les aura accueillis dans son studio au Canada en apportant sa touche pour les arrangements où auront convergé les idées du groupe, de Thierry Artur et de Thierry Ruel. Des mois d’aventure, quelques jours pour l’accomplissement, prise de son, mixage et pressage confondus.
Au bout du chemin, « Itinéraires » !
Sans doute que ce qui émane tout d’abord de ces chansons, c’est l’osmose entre l’écriture de deux hommes, celles de Denis, bien sûr, mais aussi celle de Jean-Jacques Fito, repère initial aux premiers instants du périple, et la sensibilité féminine de l’interprète, sur des accents jazzy. Redémarrages inassouvis dans l’ « Appel à l’Arche », solitude dégoulinante que je qualifierais volontiers d’androgyne bien que féminine de circonstance dans « Triste soir d’eau », espoir cependant dans le « Guêt des brumes » : « Je ferme les yeux / Nous revois tous les deux / Fondus dans la brume ». Petites touches comme dans une vie aquarelle où la voix profite d’une mise en forme dépouillée portée par la guitare. Mais le CD nous transporte aussi vers le quotidien universel dans « Clope boy song » avec cette fois des évocations country sur fond de « Ford Mustang ». Vécu des soirs enivrés de bière dans « Houblon blues ». L’interaction entre deux êtres est au cœur du sujet : «Toi l’nez qui s’écrase sur la moquette / Moi l’cul sous la couette, bye-bye la / tentation », comme dans un roman de Francis Carco condensé dans quelques vers. (ou verres, si tu préfères)
On sent aussi que le groupe voulait faire honneur à deux de leurs chansons emblématiques écrites par leur ami Jean-Jacques Fito. « Saint-Pierre », et « L’Île aux Marins » ; deux hommages bien rendus à des rochers qui constituent le cœur de ce qui nous unit. Tonalité « World Music » pour un « Espoir d’issue ». Le regard porté sur la vie est au-delà des rochers qui servent de point d’ancrage. Itinéraire au singulier pour la dixième chanson, mais mille fois reproduit, comme si chaque vie perpétuait l’inéluctable. D’ailleurs l’écriture oscille alors entre le masculin et le féminin : « Lassé(e) du bol de riz du soir / Et quelques tasses de thé / Comme horizon alimentaire… Poussé(e) au fond du désespoir / D’une vie d’enfant gâchée / A treize ans j’ai quitté la Terre… » Itinéraires pluriels pour le titre de l’album.
Puis deux chansons encore. Une première pour cet excès des temps modernes qui vous font sans cesse attendre des voix, pour que sonne enfin ce portable qui, loin de nous délivrer, nous enchaîne : « Connectée, partout, tout’l’temps et même si / Quelquefois, Jiminy me dit que je suis / Conne et qu’mes déambulations sont fliquées ». Ce mal toucherait donc Saint-Pierre ? Bien sûr, les héritiers des robinsons n’échappent pas au progrès. Regard de « Vieux quadra enfin » avant les horizons cinquantenaires. Puis deux instrumentaux pour clore le cheminement, dont l’« Appel à l’Arche » comme un écho à la chanson d’ouverture. Mais la vie n’est-elle pas un perpétuel recommencement tel un CD qui retransmet déjà les notes d’ouverture ?
« Adossée à l’aube qui s’allume / Une bande de terre qui fume.. » ; décidément cette chanson est belle, la voix chaude et bien posée me transporte pour un autre itinéraire… Tiens, je vais déposer le (e), histoire de me couler à mon tour confortablement dans la rêverie…
Henri Lafitte, Chroniques insulaires
21 janvier 2006
Affaire DOM’, Itinéraires, Affaire Dom’ spm 2005
Contact : denis.bouvier@cheznoo.net