Le roman de l’an 6 – 6è feuille

Le Joinville !

Bon sang ! Mais bien sûr ! Ce nom, synonyme de tant de réponses à la solitude inéluctable des errances humaines qui attendent tout un chacun, fût-il affublé d’une cravate ou d’un statut de fonctionnaire, ce nom qui avait su faire le pont entre les générations sans rendre son tablier, ce nom remplaçait soudain la Géhenne, les Enfers et le diable vauvert réunis.

Le bourgeois parvenu aguichait, lui, bobonne, porté par les effluves de son dernier cocktail ? Qu’importe ! La jeunesse est perverse, il faut qu’on la soumette, comme aura chanté un petit fils de madame Soleil.

Chaque dérive, que l’on pouvait facilement compter avec les doigts pour qui n’avait pas la possibilité d’arborer sa note de calcul du temps où il était jeune, fut portée en exergue, outrageusement médiatisée. On ne prêche que par l’exemple, bon Dieu ! Et Dieu sait si les coups du Très-Haut volent bas.

On ne vit alors dans les différents attroupements badauds que des pervers en latence, des déviants en mouvance et des malformés de l’accouchement cognitif, bref, que des bandes d’indisciplinés, de marginaux, de faux-fuyants,

On oubliait seulement qu’on en avait fait des consommateurs des futilités concoctées par des adultes, au nom du consumérisme porteur de la croissance aux valeurs partagées, (moins la part « in the pocket » de ceux qui pilotent les roulettes, c’est à dire peau de zob)

Au tout de suite l’on répondit par « Plus rien maintenant ! » Plus question de cloper clopin-clopant. Plus question de se fendre la pipe à la barbe des uniformes glabres. Il fallait serrer les vices et souquer la vertu de peur qu’elle ne s’échappât,

Pour se donner bonne conscience l’on constitua un Comité Jeunesse avec des fils et filles de « bonne famille », plus quelques électrons aisément manipulables. On leur fixa de définir les conditions d’un avenir radieux.

Et le projet ainsi mis en serre fit long feu.

A suivre…

Henri Lafitte, Chroniques insulaires
19 janvier 2006