“Mon utopie” / “Un autre monde” (Contre le fanatisme du marché)

Pendant qu’un tuyau d’évacuation des eaux usées privé de raccordement attend l’avenant de sa destinée, alors que l’on évoque le futur téléthon et que nos étals restent fort dépourvus en légumes et produits frais, quoi de plus naturel que de marquer une pause et s’interroger sur l’aventure humaine ?

Deux livres auront assouvi ma curiosité, « Mon utopie », d’Albert Jacquard et « Un autre monde », de Joseph E. Stiglitz, deux ouvrages complémentaires dans la réflexion en quelque sorte, qui ne se lisent pas, je l’admets, comme la liste des ingrédients sur mon dernier paquet de céréales. (quoique…)

« J’atteins l’âge où proposer une utopie », écrit d’entrée le premier ; « j’espère que ce livre, comme le précédent, contribuera à transformer le débat » sur la mondialisation, dit le second. Albert Jacquard, Joseph E. Stiglitz, ensemble sur ma table mathurinienne, l’un généticien et philosophe, l’autre économiste, tous deux mondialement connus, pour m’aider à m’extraire de mes affres insulaires, c’est te dire.

Comment, pour l’un, d’élève cancre au collège, on devient brillant au lycée, pour passer ensuite par Polytechnique, se consacrer à la génétique des populations puis nourrir sa réflexion d’un regard plein d’acuité sur l’histoire humaine, pointer sans concessions les dérives de nos années plus immédiates et brosser le tableau des grands dangers pour entrouvrir la porte d’un espoir renouvelé ; comment pour l’autre, premier vice-président et économiste en chef de la Banque mondiale de 1997 à 2000, membre puis président du « Council of Economics Advisers » du Président Clinton, se coltiner avec les grandes données macro-économiques à l’échelle planétaire on réussit le tour de force de ne jamais perdre de vue la multiplicité des parcours humains et se dresser contre tout ce qui porte atteinte à l’homme au service duquel toutes les actions devraient être prioritairement orientées, ce qui nécessite de revoir de fond en comble les principes mêmes de la mondialisation ce qui n’empêche pas l’auteur de donner des idées très précises quant aux solutions à mettre en œuvre.

Deux livres, deux grands humanistes, qui nous invitent à nous surpasser pour faire le tri des grands défis de ce XXIe siècle. Impossible de concevoir notre insularité comme un cocon protecteur qui nous dispenserait d’étendre le champ de notre regard. « Nous pouvons avoir des économies et des sociétés plus fortes, qui accordent plus d’importance à des valeurs comme la culture, l’environnement et la vie », écrit Joseph E. Stiglitz. Comment peut-on concevoir à notre échelle notre propre devenir ? Quel sens donner à notre propre action collective ? Quels équilibres imaginer, nous aussi ? Quels enjeux pour nos choix de demain, y compris économiques et politiques ?

Je me suis surpris soudain à imaginer notre propre utopie…

Henri Lafitte, Chroniques insulaires
14 novembre 2006

Albert Jacquard, Mon utopie, Stock, 2006 – ISBN : 2-234-05940-2

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Joseph E, Stiglitz, Un autre monde (Contre le fanatisme du marché), Fayard, 2006 – ISBN : 2-213-62748-7

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