Chronique du 23 septembre 2007

Difficile de s’y retrouver dans ces pistes brouillées de l’esbroufe. Combien de temps encore la France s’enlisera-t-elle dans les sables mouvants de la grande illusion sarkozyenne ? Villepin ne marque-t-il pas peu à peu des points en portant, dès qu’il le peut, l’estocade à son rival ? Un premier ministre peut-il garder longtemps sa crédibilité en parlant d’état en « situation de faillite », pour tenter de se rattraper ensuite en disant que ce n’était qu’une « image » forte ? Avec Sarkozy, du fait du cadeau fiscal aux plus riches, « on a dépensé beaucoup d’argent, plus de 15 milliards, qui ont aggravé la situation financière », a déclaré l’ancien premier ministre en réaction aux propos du « collaborateur » du président de la République, François Fillon, pour reprendre le qualificatif que lui aura octroyé Sarkozy. Et d’affirmer qu’il a « laissé l’Etat dans une situation meilleure qu’aujourd’hui ».

Dans la débauche verbale qui prévaut sur l’action raisonnée, n’a-t-on pas droit quasiment au quotidien aux déclarations fracassantes, suivies, au minimum d’une explication de texte alambiquée ou d’un repli stratégique sur des formulations plus modulées, mais tout aussi inquiétantes par le flou artistique qu’elles expriment ? « Collaborateur » du président, monsieur le premier ministre ? Mais non, monsieur le premier ministre, cher collaborateur…

Les Français dans la poche desquels l’État cherche à trouver les compensations qui lui manquent, supporteront-ils longtemps la supercherie ? S’inscrit-on vers des lendemains qui chantent avec 3% de croissance comme le décrète notre président – « je veux 3% de croissance » -, ou allons-nous connaître un sérieux retour de bâton par excès de forfanterie ?

Qu’un ministre des Affaires étrangères dérape dans ses propos au sujet de l’Iran et le voici qu’il se drape illico de sa stature de chantre de la paix. On voudrait bien le croire. Mais la voix de la France résonne-t-elle encore du courage affiché avec brio par un certain Villepin contre la guerre en Irak, ou est-elle inféodée à un Georges Bush qui n’a rien perdu de ses ardeurs guerrières ?

Fadela Amara, fidèle à ses convictions, pourra-t-elle supporter d’être sous la dépendance d’une ministre qui ne partage pas ses vues ? « Ce qui me choque, c’est de voir qu’on est capable d’aller manger chez Bocuse, d’inviter je ne sais combien de personnes, mais pas de réparer les ascenseurs », aura déclaré la première, en présence de… Christine Boutin qui sera allée becqueter deux jours plus tôt chez… Bocuse, dans un « festin (…) financé par l’organisme qui fédère les collecteurs du 1 % logement…» comme le précise Libération. Fadela Amara peut-elle se contenter d’être « choquée » par les tests ADN en matière de regroupement familial décidés par une droite avec laquelle elle collabore désormais ou aura-t-elle influencé… Christine Boutin, elle aussi défavorable à ces tests ? Des prises de position tout à l’honneur des intéressées, mais qui n’auront pas empêché que l’amendement qui les impose soit voté par une majorité de députés de droite.

Qu’importe au fond le moindre état d’âme d’un ministre, sous-ministre ou autre inféodé, puisque sur le tapis tout dépend du «je» du président. Avec une droite soumise aux visions unilatérales d’un ego exacerbé, et une gauche complètement désemparée, la France, sans le savoir, n’est-elle pas tout simplement déboussolée ?

Henri Lafitte, Chroniques insulaires
23 septembre 2007