Chronique du 24 octobre 2007

Valeur symbolique de l’inauguration à Miquelon d’une stèle consacrée à l’histoire acadienne dans son interaction avec notre Archipel, quoi de plus fort pour un maire impliqué dans la sauvegarde de sa commune confrontée à une forte émigration du fait des incertitudes économiques ? La 9è commission mixte aura été l’occasion de réparer un oubli, même si l’on peut regretter que l’événement n’ait pas été médiatisé davantage sur le territoire canadien. Ne reste-t-on pas sur sa faim quand on visite au Canada un musée consacré à l’histoire acadienne et qu’il faille chercher un détail dans une illustration murale pour être enfin soulagé que Saint-Pierre et Miquelon soit au moins mentionné ? La présence d’une délégation de la Société nationale de l’Acadie, présidée par madame Françoise Enguehard, une Saint-Pierraise établie de longue date au Canada, à cet événement, venait donner corps à ces liens nourriciers des amitiés d’aujourd’hui.

Alors que la dimension culturelle avait été éludée dans cette 9è rencontre officielle, le paradoxe n’est-il pas que la dimension culturelle est ce qui donne du sens – le sens – à l’ensemble de l’action ? L’évocation de l’importance de ce volet, dans les mots de conclusion par les responsables de l’Archipel résonnaient comme une houle de fond des consciences, la fibre de la raison d’être se révélant déterminante pour justifier les efforts de redéploiement économique.

Sans doute faut-il bousculer l’image trop facilement véhiculée de voisins étrangers qui seraient frileux à notre endroit. La coopération avec le Canada fonctionne dans de nombreux domaines, dans l’éducation, la sécurité, la santé, pour citer quels éléments clefs, voire même sur le terrain économique quand les acteurs prennent eux-mêmes des initiatives sans publicité particulière. Sans doute est-il urgent de surmonter nos contradictions franco-françaises. Sommes-nous véritablement un point d’entrée en Europe ? Un avion porteur de produits frais exportés de Saint-Pierre et Miquelon peut-il se poser sur un aéroport autre qu’international en France métropolitaine ? Où résident les tracasseries administratives et les freins ? Quelle méthodologie adoptons-nous pour être efficaces ? N’avons-nous pas erré trop souvent en mettant la charrue avant les bœufs, jusque dans des effets d’annonce terribles dans leur impact de boomerang ?

La question de méthode méritait d’être abordée après onze ans d’actions diverses, ce qui aura été fait, lors de la deuxième journée d‘échanges, conformément au souhait émis par le Président du Conseil territorial dans son intervention d’ouverture. L’annonce d’un travail approfondi sur la notion de « zone de basse pression fiscale » est un bon indicateur de l’espoir possible. Les acteurs de notre insularité spécifique doivent se mobiliser pour redonner confiance alors que le scepticisme grandit dans les coulisses du non-dit.

Il y a là un vrai défi. Mais l’esprit qui se dégageait au terme de ces nouvelles rencontres apportait un souffle d’ouverture, incitait à la volonté d’agir encore. Car ce n’est pas en se lamentant perpétuellement que l’Archipel pourra arborer fièrement ses couleurs demain. D’ailleurs, serait-ce conforme à « un pays de marins » ?

Henri Lafitte, Chroniques insulaires
24 octobre 2007