Confiance.jpg

Michel Rivard, Confiance

« Confiance »… Mot suranné ? Sans doute un des mots dont on se méfie le plus en ces temps où les valeurs humanistes semblent avoir succombé sous les coups de boutoir des hautes spéculations financières planétaires.

Confiance.jpg Certes le titre choisi par Michel Rivard pour son album remonte à 2006, déjà. Comme si nous étions condamnés à vivre dans la précipitation des instants vite oubliés. Sa sortie était passée pour moi inaperçue tant le flot des interpellations nouvelles est incessant. Que l’artiste soit venu à Saint-Pierre et soudain tout est réparé, mis dans le bon ordre des délices à savourer. Commençons donc par le troisième titre de l’album qui aura chapeauté l’ensemble. Confiance, c’est beau, musical, en open tuning accrocheur, rythmé, enveloppeur : « confiance confiance / mon p’tit bonhomme / y’aura toujours un téléphone / un bout d’papier / un livre ouvert / une bouteille vide / qui attend la mer »… Car il est plus d’occasions d’avoir confiance qu’on imagine, tant l’on est ficelé par le maillage des craintes. Je suis heureux de l’album rien que pour cette chanson.

Michel Rivard fait ici un parcours de vie, de ses premières amours, de son « premier vélo » « robinoude » – mais de nostalgie, oh non, que le plaisir de l’évocation – à ses « chemins de gravelle », superbe mot de rêverie sur les chemins de l’inattendu. Vers l’amour, bien sûr. N’est-ce pas l’étoile qui nous aspire ? Quel beau texte que celui de « photo dans ma tête » où l’auteur privé de boîte à images pour son vrai passage du pont de l’épée aura tout simplement cligné de l’œil, visage de l’être aimé ainsi gravé dans un souvenir qui ne peut s’estomper, se faner, se décolorer. « Comme t’étais / comme tu es là / comme tu seras toujours / j’t’aime comme t’étais / j’t’aime comme tu es là / j’t’aime / comme tu seras toujours ». Belle ballade en picking de surcroît pour nous faire rêver d’amour.

L’album se rime dans le rapport à l’être aimé, même quand le vent vient à souffler. « Si par malheur un vent mauvais / venait à souffler sur toi / j’ouvrirais mes bras en croix / et je me planterais là / entre ce vent et toi ». Tonalités folk, ambiance Amérique francophone et qualité du son à l’unisson d’une sensibilité assumée. Les mots s’effacent alors dans les froidures et « Cet hiver-là » est musical et sans paroles. Ainsi en va-t-il au carrefour des chemins.

Chansons de route également, au fil des grands espaces. Fantaisie et divagations, « une bonne affaire » pour un bilan peu ordinaire. « J’ai roulé toute la nuit / compté les épinettes / le country dans l’tapis.. » Et « le chevrolet tout croche… »

Chansons de ville, de métropole, avec les angoisses inéluctables, aux accents nord-américains. « Chien rouge / mauvais sang / ça brûle là-dedans / tu mords / à belles dents / la main d’la mort »…

Album nourri d’un univers nouveau monde dans les thèmes et la mise en forme, dans le privilège des introspections possibles. Les enfants grandissent, optent à leur tour pour leur propre chemin. « Seize ans déjà (… ) entre la femme qu’elle sera / et celle qu’elle est déjà / y’a une toute petite fille / qui n’sait plus où elle va / elle attend… elle attend… » Et la quête de l’amour omniprésente : « J’te dis oui »…

Onze chansons, deux titres instrumentaux, et l’album se clôt vers d’autres ouvertures souhaitées : « je rêve d’une rivière… » aux accents de piano et de quelques notes d’accordéon en soutien. Car il fait bon rêver à l’écoute des artistes : « je nage en plein mystère (…) coule rivière coule… » En route vers « le beau grand jamais vu » alerte de mélodie.

Henri Lafitte, Curiosités musicales
1er novembre 2009

Michel Rivard, Confiance – 2006