Michel Rivard au CCS

Michel Rivard, coup de coeur franc d’automne

« Tiens v’ là bonheur / Où c’est qu’t’étais ? »

Car il est si vrai que notre quotidien pétri d’incertitudes, de tensions, de rivalités, trop rarement de fraternité, nous le ferait oublier. Qu’on y ajoute le déferlement de déchirures de par le monde et la sinistrose nous guetterait.

Vient Michel Rivard, auteur-compositeur-interprète québécois, qui, sur la scène du Centre culturel, trente ans après sa première visite dans nos îles, de regards sur le monde en évocations sentimentales nous aura ouvert la voie de la sérénité en ce 31 octobre 2009. « Tiens v’là bonheur » ; j’aurai attendu la deuxième partie du spectacle pour l’entendre, ravi. C’est qu’il aura voulu, l’artiste, nous faire partager ses « chemins de gravelle », tout au long d’une vie partagée entre Beau Dommage, carrière solo, création, maîtrise du verbe dans ses écrits et sur la scène, ravissement des images. Il aurait aimé vivre une carrière dans le monde du cinéma, nous aura-t-il confié. Certes. Mais sa caméra à lui, il la balade au bout des doigts dans une totale maîtrise de la guitare au son clair et captivant, picking ou médiator parfaitement assurés. Le public – la salle était comble – aura eu le bonheur de vivre une soirée de grande qualité sonore, dans une formule acoustique en trio, Mario Légaré, grand maître de la basse bien balancée, empreinte d’impulsion chaleureuse, Rick Haworth à la guitare, à la mandoline et au dobro, tout aussi convaincant et inspiré dans les facettes multiples de son jeu, le tout harmonieusement cadencé.

Michel Rivard au CCS

Il aura fait bon glaner les découvertes de son album de 2006, Confiance. Les chansons de Michel Rivard sont imprégnées de sa vie citadine montréalaise, mais aussi de ses parcours, tout au long de sa carrière. Quelle chanson que celle en hommage à un auteur de cinéma du carré Saint-Louis, victime de l’oubli ! Et celle de « Seize ans déjà », pour ses deux filles à cette étape décisive de la vie. « Entre la femme qu’elle sera / et celle qu’elle est déjà / y’a une toute petite fille / qui n’sait plus où elle va… ». En aurait-il pu prendre des photos ; faute de cage à clichés, il aura « cligné de l’oeil »  fixant ainsi la mémoire de LA rencontre, celle avec l’être aimé. Superbe poésie, valant le déplacement à elle seule, pour nous donner… « confiance », précisément quand le quotidien plus trivial vient si facilement nous troubler. Oscillation entre Schefferville, la ville abandonnée par les promoteurs du lucre provisoire, quand il n’y a plus le choix et qu’il faut partir et le désir prégnant de voir la mer, ultime chanson dans notre univers insulaire, en rappel de la soirée, du moins le croyait-on car revenu une nouvelle fois sur scène, le trio nous aura emmenés cette fois dans les terres du rêve, des légendes ou « …iable » et « bon …ieu », comme on dit à « ..oliette », au Québec, se disputent besoin de bonheur et besoin d’éternité.

L’on aura chanté, bien sûr, à notre tour, pour le rappel, avec Le Phoque en Alaska », incontournable.
« Tiens, v’là bonheur », me disais-je encore, emporté comme tous les autres par le conteur – car Michel Rivard sait y faire -, par les chansons, la musique, par trois compères au faîte de leur art, heureux d’être sur scène, dans un grand moment à Saint-Pierre et Miquelon de musicalité fraternelle !

Henri Lafitte, Curiosités musicales
31 octobre 2009