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Gwenaël Lafitte, Short Tales

Auras-tu remarqué, ô lecteur, que la vie nous prend dans un déferlement qui nous dépossède ? N’est-il pas bon alors de se poser, de prendre tout simplement le temps et de laisser son imaginaire gambader ? Les compositions de Gwenaël Lafitte, dans son dernier CD, te font cette invite. Il suffit de te laisser aller comme dans un « songe », premier titre de l’album.

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Le compositeur et interprète guitariste te donne ainsi le temps de ta propre respiration, au fil de morceaux aux tonalités tout en nuances, où perlent avec doigté les images de l’Archipel de Saint-Pierre et Miquelon, son ancre d’écriture. Eh oui, je n’ai pas orthographié « encre ». Car le port de filiation est dans les souvenirs, dans ce que l’on peut se recréer à tout moment de l’existence. Images d’un temps passé, de nos origines, comme le suggère « Hauban », deuxième titre de l’album ; émotion intemporelle de « Fleur des sables » ; sommes-nous sur la dune que vient effleurer l’océan dans la courbure qui t’invite à Langlade quand tu viens de Miquelon ? À moins que ce ne soit ce coin de sable plus intime, au Diamant… ? La mer est très présente ; océan que l’on aura franchi, morceau ondoyant et rythmé du vapeur « Transatlantic ». « Marine »…, titre venu de l’émergence du projet quand l’auteur aura composé pour répondre à la commande de sujets sur nos îles d’Insul’R Productions. Démarche qui aura donné naissance au prolongement créatif qui trouve ici un aboutissement. Ne sens-tu pas d’ailleurs la brume sur ton épiderme en écoutant « Short Tales » ? L’inspiration s’est aussi élargie au fil des voyages, comme l’évoque l’ « Acela express ». Non, l’insulaire ne voit pas l’horizon comme une ligne immuable, quand au plus profond de lui-même vibre la fibre du voyage originel. Aussi aura-t-il aimé nous offrir une version revivifiée d’ « Altitude », chargé de force symbolique.

On ressent aussi le souffle intime dans le rapport à l’être, dans l’ouverture vers tout le possible des horizons enchanteurs avec « Julimea », la pièce la plus longue du CD. Puis la mer encore dans « Blue hozizon »… Voiles blanches, Cap percé, autant de mots qui trouvent leur place dans la rencontre avec les cordes.

Nous entrons dans l’indicible de l’image, de la peinture, de la musique. Quoi de plus normal alors que ce titre « Pastel » qui rejoint la force de rêverie de l’illustration de l’album, qui apporte sa touche de rêverie à l’objet CD que tu aimes alors manipuler. Belle illustration de Julia Baucou pour une pochette imprégnée de charme dans une mise en forme de Benoît, frère du compositeur. Tout est en finesse comme les doigts glissant sur les cordes, dans le rendu le plus souvent acoustique, avec des suggestions plus électriques, l’émergence d’un saxophone, celui de Stéphane Chiboust dans «  Short Tales  » – titre retenu pour l’album – ou la rythmique du cajon d’Aurélien Pécout dans « Cap Percé », compagnon d’aventure au coeur d’une autre démarche, musicale elle aussi, celle du Ginseng Trio.

« H.S.P. » Évocation du Halifax – Saint-Pierre dans ce lien existentiel au retour pour qui est parti au loin. Et pourtant, sans que cela soit paradoxal, la magie, dans le fil conducteur, d’une démarche qui va de Saint-Pierre et Miquelon aux « Rives du gave » de Pau pour une synthèse d’enchantement. Boucle chargé de mystère pour qui porte un patronyme qui définit un repère de pierre fichée en terre de Béarn.

Ainsi va la vie quand on saisit, la guitare à la main, la palette aux horizons sans fin renouvelés…

Henri Lafitte, Chroniques musicales
12 décembre 2009

Gwenaël Lafitte, Short Tales, CD, 2009

Disponible auprès de : https://gwenlafitte.bandcamp.com/album/short-tales-2