Difficile de ne pas être ébranlé au sortir « De Kaboul à Calais » de Wali Mohammadi. Choc terrible avec l’essence même de la vie, de la mort, de la cruauté humaine mais pourtant… de l’espoir. Je regarde peu la télé ; le hasard m’aura amené à m’asseoir devant une émission de Paul Amar, Revu et Corrigé, avec un jeune Afghan venu témoigner de son terrible périple, semé de péripéties, de l’Afghanistan, sa terre d’origine à Calais, dans l’espoir d’aller en Angleterre. S’ensuivra un concours de circonstances régénératrices grâce à des êtres généreux qui lui permettront d’obtenir le droit de séjourner en France et de se reconstruire. Témoignage bouleversant d’un jeune homme qui, français désormais, travaille dans une boulangerie, prépare le baccalauréat ES, avec pour objectif d’entamer des études supérieures pour œuvrer pour son pays.
Et les présents sur le plateau de l’émission d’applaudir, eux aussi chavirés par ce témoignage qui aura donné lieu à la publication d’un livre, grâce à un journaliste du Monde, Geoffroy Deffrennes, qui l’aura encouragé à écrire.
J’ai immédiatement décidé de me procurer cet ouvrage et, ô lecteur, tu l’auras deviné, je te le conseille. Une famille à Kaboul, un couple, six enfants. Puis une guerre, avec les Russes, puis les Talibans, puis la défaite de ceux-ci, puis leur retour, guerres, attentats, explosions en tous genres… Et la mort dans des circonstances horribles. Celle d’une de ses sœurs, ouvrant la série macabre, étalée dans le temps, celle de deux de ses frères, celle de son père, puis de sa mère. Entre-temps, sa sœur aînée est partie au Pakistan, puis en Angleterre. Il est désormais seul, il a quinze ans, avec son petit frère, dont il a la charge.
Et c’est la décision, nourrie par une première tentative avortée, de chercher l’issue de secours. « Ma décision est prise : nous devons quitter Kaboul, tenter de rejoindre l’Angleterre où vit déjà notre grande sœur. » (p.61)
Qu’est-ce qui aura fait que ce livre et son auteur m’auront particulièrement touché ? Sans doute par ce qu’ils révèlent d’humanité courageuse. Pourtant les souffrances auraient pu ouvrir la voie d’un discours très dur. Wali Mohammadi aura été accueilli au sein d’une famille dans le nord de la France ; s’amorce alors un nouveau chemin. Apprentissage du français, collège, brevet, BEP pâtissier, baccalauréat, et désir d’aller plus loin encore. Un parcours qui vous tonifie et qui vous parle d’autant plus qu’il n’y aucune certitude assenée. D’ailleurs le livre s’achève sur des interrogations. La force de ce livre réside précisément dans ces différents éclairages. Comment ne pas se sentir interpellé au tréfonds de l’essence humaine ?
Henri Lafitte, Lectures buissonnières
9 janvier 2010
Wali Mahammadi, De Kaboul à Calais, Robert Laffont, 2009 – ISBN : 978-2-221-11413-1
http://video.voila.fr/video/iLyROoafIBX_.html