Chronique du 28 août 2013

Décidément, je ne m’habituerai jamais à ces bruits de bottes, de ces canons qui fanfaronnent, à ces rodomontades de matamores, de ces chevaliers de toutes les causes dites justes, à l’étalon de la dernière bien-pensance. Mais au nom de quoi prétendrions-nous être la référence de la Valeur ? Doit-on se laisser porter par le jeu pervers, renouvelé des alliances provisoires, malléables, évolutives ? Allié hier, ennemi aujourd’hui… ; la veille, invité à nos fastes diplomatiques, le lendemain menacé par des armes que l’on est avide de déployer.

Kadhafi, sous les ors de notre République, mis à mort depuis par son hôte ; Saddam Hussein, ami des Américains, condamné et renversé par les mêmes. Qu’on se remémore les prétextes invoqués. Terribles manipulations aux effets dévastateurs, toujours au nom des grands principes de l’hypocrisie rayonnante.

« You must believe in spring » ; j’ai médité à l’écoute de Bill Evans, notes de piano à la rescousse pour plonger dans l’âme humaine. Déchirure entre beauté et hideur… Quête éperdue de quelque réconfort. Que portons-nous d’autre dans nos gènes d’espèce humaine que prédation, esprit de domination, violence… ? Pourquoi la Beauté ne l’emporte-t-elle pas ? 100 000 morts nous dit-on dans une guerre civile qui ravage la Syrie, berceau de culture. Que pèse la poésie face à de tels délires ? Georges Chelon, j’ai une pensée pour toi : « Une envolée de vers contre une armée de chars / Pour ramener la paix quoi de plus dérisoire /La raison du plus fort n’a que faire des poètes »…

Terrible défi que celui de l’espérance. Mais, quels que soient les murs qu’érige l’impossible, je ne me rangerai pas sous la bannière des va-t-en-guerre cravatés. Tant de croisades se sont avérées être des leurres.

Henri Lafitte, Chroniques insulaires
28 août 2013