Fanche le baleinier

Suivre tout un parcours de vie, des premiers attraits pour la mer aux soirs des souvenirs quand vient la retraite, ainsi se déroule le récit de Fanche le Baleinier, dans le roman ainsi intitulé de Pierre-Jean Yvon, écrivain malouin.

Francis Goïcoechea, le personnage central du récit, est basque, comme son nom l’indique, nom de famille qui nous est familier à Saint-Pierre et Miquelon, bien sûr. On l’appelle Fanche, « en souvenir d’un tonton qui habitait Saint-Malo ». (p. 17) Nous sommes en 1867. L’appel de la mer touchait de nombreux jeunes. Fanche ne peut tenir en place et trouve un embarquement en février 1868 pour notre archipel où il travaillera quelques mois comme employé dans le commerce des frères Yvon, spécialisé dans la voilerie et l’avitaillement. L’évocation de son séjour à Saint-Pierre est faite de petites touches, à l’instar d’ailleurs de tout le récit, où tout s’enchaîne rapidement, dans un double tempo d’une vie en accéléré et découpage en chapitres correspondant à différents épisodes, à différentes tranches d’un vécu aventurier.

Fanche Goïcoechea se retrouve bientôt à Nantucket, au large de Cap Cod, où il sera embauché comme matelot à bord d’un baleinier. Très vite, il se fera remarquer par sa bonne capacité d’adaptation, franchira les différents échelons des responsabilités progressives, pour devenir lieutenant, capitaine en second, capitaine, armateur. Le roman nous emporte dans l’univers de la pêche, ou disons-le autrement, de la chasse à la baleine et au cachalot. Ici, pas de grandes descriptions des techniques utilisées, mais une succession d’observations concises, comme autant de coups de caméra dans le déroulé de l’action. Tout s’enchaîne et le lecteur pourra se laisser entraîner d’une traite par les 136 pages du roman. Atlantique sud et océan Pacifique sont au cœur des différentes campagnes effectuées, occasion de nous initier à un univers maritime particulier, où se succèdent joies intenses des harponnages réussis et coups du sort endeuillés. Par quelle distraction de la Camarde en sortait-on indemne ?

Récit alerte donc, qui nous dépose, enivré de l’air du grand large, sur les quais de Saint-Malo, quand vient le temps des tempes grises et des pas nostalgiques sur la jetée. « Ayant passé toute sa vie sur la mer, il est resté le voyageur insatisfait naviguant au-delà de l’horizon. » (p. 135) Ne sommes-nous pas alors aux côtés de Fanche, les yeux encore tournés vers l’océan ?

Henri Lafitte, Chroniques insulaires
16 mars 2014

Pierre-Jean Yvon, Fanche le Baleinier, Pascal Galodé Éditeurs, 2013 – ISBN : 978-2-35593-274-8

Disponible à la librairie Lecturama