Jour de joie, à Liffré…

Il est étapes dont on se rend vite compte qu’elles feront jaillir dans vos souvenirs le faisceau de la joie ; joie d’avoir vécu des rencontres intenses, des heures magiques dans le partage. J’aurai chanté deux fois dans la même journée à Liffré, commune de 7000 habitants, en Ille-et-Vilaine, le vendredi 21 novembre 2014. Tour d’abord à la Maison de retraite qui accueille 110 pensionnaires. Tous n’avaient pu être rassemblés bien sûr ; mais la salle était pleine ; public surtout féminin comme l’imprime la grande loi de la vie ; plusieurs personnes en chaise roulante, certaines même presque allongées. Et très vite, les visages s’éclairent ; nous sommes heureux d’être ensemble. Je présente mes chansons, Saint-Pierre et Miquelon, retiens quelques éclairages particuliers ; puis quelques interprétations dont je me dis qu’elles ont imprimé leur marque dans l’évocation d’un passé chaleureux ; les voix se délient, nous chantons ensemble ; « Je reviens chez nous » est transatlantique ; nous sommes prêts pour reprendre ensemble « Un pays de marins ».

Occasion d’un retour sur soi. Être porteur de rêverie, guitare en bandoulière, oiseau de passage dans une convergence momentanée. L’on sort enrichi de telles rencontres quand vient le moment de se séparer, que l’on se salue, sourire aux lèvres, cœur frissonnant.

Puis est venue une soirée avec un public prêt à partager mes évocations insulaires, les destinées sur l’océan des Terre-Neuvas, dans le prolongement d’une exposition qui, sur ce thème, aura emporté un très grand succès, à l’Hôtel de Ville de Liffré. Une autre salle, un peu plus loin, Salle Maurice Ravel, un nom qui vous prédispose à la musique. Quelle onde de joie ! J’étais porté par la qualité de l’écoute, par ces visages ouverts à des horizons qui se jouaient des distances, pages d’une Histoire où vibraient des âmes de Bretagne, mais aussi de Normandie, du Pays basque, de Terre-Neuve, de l’Acadie.

Les Terre-Neuvas bien sûr, un métier que je lisais dans le visage rayonnant de Michel, au premier rang, lui qui m’aura confié une tranche de vie à vous transporter vers la frontière de l’impensable ; dans celui de Francis aussi, lui qui aura tant œuvré pour que Liffré accueille une exposition qui aura dépassé ses espérances. « On quittait un jour son pays / Tête plongée dans son suroît… » J’aurai été profondément touché par toutes les réactions autour de cette aventure humaine exceptionnelle, aujourd’hui page d’Histoire d’un livre que nous partageons de part et d’autre de l’Atlantique.

Quand ma guitare a rejoint sa boîte saltimbanque, j’ai goûté encore la beauté de la vie avant que nos pas nous égaillent dans la luminosité des souvenirs chaleureux.

Henri Lafitte, Chroniques insulaires
22 novembre 2014