Nicolas Hulot : Osons

Je me souviens d’un livre prémonitoire de Pol Chantraine, écrivain québécois, La dernière queue de morue. On levait les yeux au ciel, on faisant semblant d’ignorer. Mais non, c’était exagéré. Alors, on se déchirait… Querelle pour des quotas, pouvions-nous titrer, pour en rire ou pleurer. L’heure de la dernière queue (symbolique) aura sonné en 1992. Il aura fallu un moratoire exigeant, dévastateur pour les travailleurs de la mer, nécessaire pour la survie de l’espèce menacée d’extinction. Le couperet aura été douloureux. L’homme n’avait pas su faire preuve de sagesse, de sagacité en temps utile.

Fera-t-on de même avec… la planète ? Le dernier homme ? Levons les yeux au ciel, faisons semblant d’ignorer. Ne sommes-nous pas les as des réponses technologiques ? La prise de position est souvent cinglante, sans appel : Ah ! Ces écolos !

Que je te le dise, ô lecteur : je ne suis pas écolo, au sens de l’engagement sous étiquette, tel qu’on peut le percevoir aujourd’hui. Poids sémantique d’un mot galvaudé, détourné de sa force essentielle. La faute à qui ? Là n’est pas mon problème. Mais vivre demain, oui. La vie, quand à mon tour je ne serai plus là. Que l’aventure humaine continue, pour le meilleur surtout.

Alors « Osons ». Tel est le titre d’un petit opuscule de Nicolas Hulot, sous forme de « plaidoyer d’un homme libre ». Je le dis sans ambages : je me contrefiche de ce que l’on peut penser de l’auteur ; il a ses admirateurs et ses dénigreurs. L’important n’est-il pas de réfléchir à ce qu’il nous présente en un peu moins d’une centaine de pages ?

J’ai souri en ce matin du 2 novembre 2015 en pensant à la COP21, pris dans un embouteillage. Aurais-je dû chialer ? Que fais-je là ? me suis-je dit. J’avais au fond la liberté de ne pas m’y trouver. Mais tous ces conducteurs rivés à leur volant avaient-ils le choix ? A Paris, au même moment, sonne une nouvelle alerte aux particules fines ; les parkings seront exceptionnellement… gratuits. Ces réponses ponctuelles ont-elles un minimum de portée. Je n’ai pas d’analyse particulière ; je me suis rangé des voitures ; je n’ai aucune leçon à donner.

Je me souviens de mon enfance asthmatique ; j’étais entouré de clopeurs ; à dix-huit ans, j’ai découvert le bonheur d’une respiration ordinaire. Je n’ai jamais voulu cloper. Longtemps après, on a interdit la cigarette dans les lieux publics. Une telle décision était une question essentielle de santé publique. La course à la mort au bout du filtre n’a pourtant pas cessé.

Face au constat du dépassement difficile des blocages individuels, comment imaginer « penser le monde comme un espace commun de solidarité » ? (p.11) Est-ce possible ? Il t’appartient d’oser… lire l’opuscule sus-mentionné, si tu le désires et de te faire ton propre jugement. Je n’ai pas échappé à une réaction de scepticisme, je te l’avoue. Te vois-tu, ô lecteur, te rendre à la boulangerie à pied, à Saint-Pierre, même si tu habites au centre-ville ? Mais la montée des eaux est-elle une fatalité ? Y réfléchir, ça ne mange pas de pain…

Hier, j’étais au bord de la mer et j’admirais des surfeurs de l’écume dans un enchantement azuré.

Henri Lafitte, Chroniques insulaires
2 novembre 2015

Nicolas Hulot, Osons – Plaidoyer d’un homme libre– Editions Les liens qui libèrent – 2015 – ISBN : 979-10-209-0319-8