Au rendez-vous du Golgotha ?

J’ai rencontré Marie, la femme de Joseph, celle qui lui fait un enfant tous les 25 décembre de notre calendrier grégorien sans avoir perdu sa virginité. Eh bien, elle m’a dit – ça t’épate ? – que son petit Jésus en avait ras la casquette de se retrouver tous les ans dans une crèche avec un bœuf et un âne en guise de chauffage central.C’est qu’il aimerait un clandé plus confortable le mioche ; il sait – parce qu’il est Dieu en même temps – que ses impresarios ont fait fortune sur ses langes au fil des siècles. Ça a spéculé dur, comme on dit aujourd’hui. Alors il veut bien émettre son cri guttural virginal, le môme, mais il ne veut pas qu’on prenne l’enfant du bon Dieu pour un canard sauvage. Il veut sa part de gâteau, à commencer par une couche Pampers et des fringues comme il faut. Mais plus que tout il voudrait bien qu’on lui déniche la terre promise, qu’il pourrait partager avec les autres bambins sans que quelqu’un s’accapare les meilleurs hectares en dressant des grilles et des miradors. Lui il représente Dieu en chair et en os, pipi caca inclus, alors il veut pas qu’on fasse dans le distinguo entre les hommes, les femmes, le roi mage noir et celui ou celle qui aurait les yeux bridés. Il est un pour tous tous pour un, le d’Artagnan du présumé père Joseph. Debout les damnés de la terre, s’est-il surpris à chanter. Très fort ça, non ?

Sa mère a fini par entendre ses récriminations, qu’elle m’a dit. Elle a décidé de lui enfiler un gilet jaune dès sa naissance pour que le message de son rejeton prenne des couleurs.

D’ici à ce que les bras lui en tombent au rendez-vous du Golgotha…

Henri Lafitte, Chroniques insulaires

15 décembre 2018