Des mouvements migratoires

De l’émergence de l’homo sapiens à nos jours.

Nous sommes tous les descendants des premiers hommes qui ont migré, pour la survie. Boire et manger, chasser, pêcher, cueillir, du berceau initial à la planète entière.

Puis est venu ce qui nous a donné naissance, nous, archipelliens sur un petit territoire de 242 km2. A l’origine des premières sédentarisations ? Pour l’essentiel, la misère et la faim qui poussaient au départ, loin de sa campagne, les régions constitutives de l’ensemble France en agrégat progressif étant essentiellement agricoles ; manne que pouvait représenter la morue et l’espoir d’une vie meilleure.

Aujourd’hui les mouvements migratoires, pour les descendants que sont ceux qui portent dans leurs fibres insulaires quelques générations, se font dans l’autre sens, sur d’autres bases. A l’origine de ce mouvement inverse ? Le sentiment de frustration pour des raisons diverses (difficulté de l’emploi porteur, difficultés d’installation, dynamique communautaire décevante…), parcours personnel ayant favorisé la découverte d’autres possibles et attrait de l’ailleurs.

Nos îles, tant à Miquelon qu’à Saint-Pierre connaissent une phase de déperdition de ces ondes premières, intrinsèques à une identité particulière. Les nouveaux venus, dans des proportions plus grandes ces dernières années, viennent équilibrer ces déperditions pour une démographie qui, d’un point de vue numérique, stagne ou se tasse, sans écart criant. Le prochain recensement permettra d’affiner ce regard.

Ce brassage, sur des bases nouvelles, reposant dans un sens comme dans l’autre, qui n’ont plus rien à voir avec celles du XIXè siècle, permet la survie de l’archipel, voire même lui redonne quelques couleurs. Que deviendraient les écoles sans cet apport migratoire ? L’économie circulaire ? La vie de notre microcosme diversifié et l’ambiance générale, la culture, le sport… ?

Mais, face aux défis qui touchent l’archipel dont la vie repose sur une mise en forme économique fragile, quelles seront les réactions futures si d’aventure ce qui en sous-tend la poursuite était sérieusement ébranlé ? Le rapport à la transmission historique générationnelle ne se verrait-il pas amoindri ?

La mémoire, dans le brassage nécessaire, est un long cheminement, avec des temps de ressentis différents.

La responsabilité politique où qu’elle s’exerce a pour tâche d’insuffler un climat d’enthousiasme collectif qui permette de mettre en œuvre, quels que soient les historiques individuels, des dynamiques renouvelées porteuses d’espoir dans une identification originale toujours en marche.

Henri Lafitte, Chroniques insulaires

13 février 2020