Jean Giono, Le hussard sur le toit

Est-ce poussé par les échos des effluves malodorants du port de Saint-Pierre ? De la mémoire travaillée par l’épidémie de coronavirus depuis l’aube de l’an 2020 ? Je me suis plongé dans une lecture de ma jeunesse, livre emprunté alors à la « bibliothèque du gouvernement » comme on disait. Longtemps, longtemps après, je suis donc dans Le hussard sur le toit de Jean Giono. Dès les premières pages, je ressens les effets de la chaleur torride de la Provence en 1830 ; je reconnais le hussard Angelo sur son cheval noir. Les « miasmes délétères » (p. 39) envahissent le paysage. Une épidémie de choléra est en train d’éclater.

Je sais qu’adolescent j’ai été frappé par la force évocatrice de ce roman. Pour qui aime la puissance de la langue française, le roman de Jean Giono est porté par une écriture foisonnante, aussi haletante que le récit lui-même. Les scènes rapportées sont ardentes, poignantes. La poésie quant à elle surgit à des moments inattendus d’un contexte dramatique, au coeur d’une épidémie d’une ampleur impressionnante.

Qui est le hussard Angelo Pardi, venu du Piémont à la recherche d’un Giuseppe ? On le découvre petit à petit, au fil de son épopée, nourrie de longues pages descriptives au coeur de ses rencontres. Le style de Jean Giono envoûte par sa richesse. Ou peut déstabiliser par sa précision descriptive.

Et puis il est des observations du genre, à propos des gens du cru : « Ils n’aiment pas imaginer que la mort est indépendante. Ils ont absolument besoin de trouver un responsable et de le traiter en conséquence. » (p.312) Ou encore : « Une immunité relative donne toujours de la suffisance.(…) C’est une faiblesse dont les dieux ont de tout temps profité… » (p.463)

Et le roman, où germe aussi la force de l’amour par-delà l’adversité, de s’achever sur des réflexions à propos du choléra qui trouvent d’étonnantes résonances avec notre univers covidien contemporain.

Henri LAFITTE, Chroniques insulaires

12 octobre 2021

Jean Giono, Le hussard sur le toit – Folio – ISBN : 978-2-07-036240-0