Chronique du 3 avril 1999

Pour nous, Français de l’Outre-Mer, l’événement serait passé inaperçu : la France a changé d’heure le week-end du 27 au 28 mars 1999. À Saint-Pierre et Miquelon en effet, la « période d’été », comme le dit si ironiquement le communiqué paru dans l’Echo des Caps du 6 avril 1999, à nous qui sommes sous la neige depuis le 1er avril, commencera « à deux heures du matin le premier dimanche d’avril », autrement dit, ce week-end pascal, ce qui risque, admettons-le, de perturber la résurrection programmée du célèbre crucifié, trahi, faut-il vous sonner les cloches, bande de mécréants incultes, par… Saint-Pierre !

Intrigué par un rassemblement inaccoutumé de gendarmes-mobiles devant le Collège Saint-Christophe, établissement catholique à l’abri de sa grille d’entrée, le lundi 29 à 11 heures, j’en ai déduit qu’ils pensaient peut-être que les manifestants en herbe, devaient être, eux aussi, sur le pied de guerre une heure plus tôt.

  Sans doute, me dis-je, ignorent-ils que Saint-Pierre et Miquelon se cale sur le changement d’heure canadien, ce qui nous amène à nous éloigner de notre chère patrie d’une heure supplémentaire pendant quelques jours.

Affres des contingents qui se relèvent sans avoir le temps de s’adapter aux us et coutumes des îles qui voient se succéder, à intervalles réguliers, un avion Transall, rempli de gendarmes mobiles venus en villégiature forcée sur nos terres glacées et dont la seule tâche consiste à chronométrer la sortie des écoles, pauvres hères embrigadés, abandonnés soudain aux manifestations implacables du décalage horaire !

  Je crains encore un peu plus le bogue de l’an 2000, me confiait hier un ami à qui je relatais l’anecdote.

  À la bonne heure ! concluai-je.

Henri Lafitte, Chroniques insulaires
3 avril 1999