Chronique du 26 septembre 1999 (2)

Hier soir, moment d’anxiété à l’aéroport Saint-Pierre-Pointe-Blanche. Le Boeing 737-400 va-t-il se poser sans encombres sur la nouvelle piste ? Depuis que le président du syndicat des pilotes d’Air Saint-Pierre a affirmé sur les ondes de RFO que la composition du sol ne permettait pas à ce type d’avion de se poser dans des conditions de sécurité suffisante, chacun se demande s’il ne faudra pas se reconvertir dans les cerfs-volants, activité à la mode grandissante à forte valeur ajoutée, échappant aux cours planchers.

  Il est minuit, docteur. L’ambulance est-elle prête ?

Soudain l’avion surgit, dans le silence de la nuit. C’est normal, la foule est amassée dans la mezzanine du nouvel aérogare et l’insonorisation ne permet d’entendre que les commentaires abusés, désabusés, amusés, des voisins. Dehors, seule la lune s’amuse à nous cligner de l’œil. L’avion vire sur l’aile. Que se passe-t-il ? Mais l’avion continue, puis revient et se pose majestueux, dans une course aussi courte que n’importe quel ATR (turbofreiné) d’Air Saint-Pierre. Soulagement et plaisir absolus. L’avion se gare devant l’aérogare. Les passagers descendent ravis, empruntant l’escalier nouvellement assemblé pour l’occasion. L’avion a survolé Saint-Pierre, avant l’atterrissage pour leur offrir le charme d’une cité insulaire étincelante dans la beauté de la nuit (putain, que c’est beau !).

Il repartira quelque temps après, avec d’autres passagers, destination l’Islande), tout aussi guilleret, alerte, vif et aérien dans son envol, faisant la nique sans le savoir à un ATR contrit.

Alors, intox ?fly-tox ? Faut-il prendre les ingénieurs que pour des excavateurs de tourbe incultes (je parle des excavateurs), ainsi que pour des remblayeurs de concassés pas cassés ? N’y a-t-il pas des élections dans l’air pour que l’on ait droit à des divagations ras de sol ?

Je me retire dans ma tour de contrôle (virtuelle).

Henri Lafitte, Chroniques insulaires
26/09/99