Chronique du 30 novembre 1999

Thonidé ou idée de thon, quand à défaut d’idée il vous reste le thon.

Dans son éditorial du Vent de la Liberté du 27 novembre 1999, le député de Saint-Pierre et Miquelon nous narre, comment, appâté par le thon, il s’en fut au Brésil pour un long et pénible voyage. Foin de samba, de nombrils endiablés, n’en déplaise aux mauvaises langues, toujours pendues. Mais comme il le dit lui-même, une « mission(…) longue et pénible. Longue car il s’agit de huit jours pleins (la 16è réunion de l’ICCAT (show, jeu de mots pour initiés, plus prosaïquement l’International Commission for the Conservation of Atlantic Tunas, ndlr) s’est tenue à Rio de Janeiro du lundi 15 novembre au lundi 22 novembre inclus), loin du travail parlementaire à l’Assemblée nationale ou dans l’Archipel. Pénible car il s’agit d’interminables discussions sur des secteurs de pêche et des espèces de thonidés qui ne nous concernent pas. Mais l’essentiel est d’ouvrir le chemin. » Vers Rome ou Canossa ?

Mais ne faisons pas la fine bouche. Le quota de 4 tonnes de thon a été reconduit, ce qui fait que « nos pêcheurs auront la possibilité de pêcher 7,46 tonnes en 99 ».

  Super, diront les uns

  Chouette, diront les autres

  On va faire des affaires, rajouteront les uns

  C’est aller vite en affaires, rétorqueront les autres.

Car plus on pêche de thon plus le déficit risque d’être importhon (néologisme). J’explique.

« L’été dernier, deux thons furent pêchés et exportés sur le Japon », rappelle le député. Et d’ajouter : « Même si ces expériences ne se sont pas avérées rentables puisque le prix de vente n’a pas totalement couvert les frais d’exportation, le résultat fut positif car :
• il est prouvé que le thon rouge est présent dans nos eaux (…)
• nos pêcheurs ont démontré qu’ils pouvaient le pêcher
• la méthode d’exportation et les formalités administratives sont maintenant au point ».
Ce qui ne peut que rassurer tout le monde. Sachant que le premier déficit constaté est sur une base moyenne de 600 kilos, il reste à prendre sa calculette pour mesurer les effets d’une capture de 7,46 tonnes.

Mais le fond du problème n’est-il pas une question d’espèce ? Ne vaudrait-il pas mieux se rabattre sur un « radiothon » qui, comme le souligne la correspondante de l’Echo des Caps au Nouveau-Brunswick, a rapporté dans cette province la modeste somme de « 370 000 dollars » l’an dernier ? Le téléthon n’a-t-il pas fait lui aussi ses preuves au point qu’on réitère l’expérience à Saint-Pierre les 3 et 4 décembre ? Sans parler du marathon qui fait courir de plus en plus de monde dans les grandes villes.

D’autres variétés n’ont-elles pas déjà fait leurs preuves sur l’Archipel, comme le qu’en-dira-thon, fort répandu, voire prolifique, ou le béthon envahissant, le prix à la tonne de ce dernier laissant loin derrière son sillage celui de la moindre variété de thonidé ?

Je passerai rapidement sur les futhons, plus douillets que les bancs (de Terre-Neuve), les basthons, occasionnels les nuits trop arrosées. J’en arrive à une nouvelle espèce en voie de développement sur l’Archipel, faute de perspectives réelles et avec les effets induits sur une jeunesse désemparée, les mathons, pour ceux à qui il ne reste plus qu’un pâté de thon dans la gamelle et les yeux pour le regarder passer.

Henri Lafitte, Chroniques insulaires
30 novembre 1999