Chronique du 4 décembre 1999

Vendredi 3 décembre contrasté entre l’accès de fièvre prédatrice des salariés d’Archipel SA et la fièvre participative de tous les bénévoles impliqués dans des activités sportives pour le téléthon 99. Vitres brisées d’un côté, violence soudaine incontrôlée, et de l’autre, joie et bonne humeur, cadence des rames dans le barachois, roulement mat des rollers sur le bitume devant le fronton du Zazpiak-Bat, glissement des pneus de vélos sur les chaussées mouillées et rythme saccadé des coureurs sur le macadam.

Dualité de l’âme humaine dans ses incompréhensions exaspérées et la chaleur des défis collectifs.

Les salariés d’Archipel SA ont obtenu ce que la négociation n’a pas permis, le retrait de la mesure préfectorale visant à faire venir un bateau canadien pour alimenter, avec 200 tonnes sur les 1000 restant à puiser dans les quotas, la SNPM, la société de traitement de… Miquelon.

De la préfecture à la chambre de commerce flottait encore vendredi dans la nuit le remugle des déchets de poisson renversés plus tôt dans la journée, au point que les goélands eux-mêmes avaient mis les voiles.

  Je n’ai rien à voir là-dedans précisait le Président du Conseil Général au journal de 20 heures dans son bureau saccagé.

  Je ferai respecter l’ordre public, précisait le Préfet, la fièvre retombée.

Et le spectateur de découvrir médusé quelques images d’une visio-conférence entre les protagonistes de Saint-Pierre et de Miquelon. Démesure des moyens dits de communication quand la communication n’est plus, poudre aux yeux des temps modernes ! Tentative de dialogue quand les gens ne peuvent plus se sentir (du fait de l’odeur de poisson), en attendant de porter des cagoules quand ils ne pourront plus se voir… Retour à la case départ avec un compromis pour sortir de l’impasse grâce à une mesure déjà évoquée dans les négociations préalables : Archipel SA fournira à Miquelon les 200 tonnes qui lui reviennent.

Dans l’immédiat, force est de constater qu’il aura fallu moult vitres brisées pour briser la glace.

Et dire que pendant ce temps, les participants au téléthon faisaient force de rames, dans l’excitation propre aux grands défis.

Henri Lafitte, Chroniques insulaires
4 décembre 1999