Qui c’est « çui-là » ?

Pierre Perret, qui c’est « çui-là » ? C’est lui, et c’est un grand !

Il vous chante la vie mythique de celle qui vous fait encore marrer parce qu’elle vous surprend sans la morosité ambiante de l’actualité ordinaire: « L’aut’jour ma voisine me chope / Cher voisin venez / J’vais ach’ter au sexe-shop / De nouveaux martinets ». Il vous triture les mots au point d’en inventer d’autres avec les consonances : La vie vous a, LA VIVOUZA… et vous résume la destinée humaine en quelques images, de la vie qui vous tombe dessus au berceau à celle qui met les adjas en vous la faisant regretter.

Et tu te laisses gagner par une sorte de frivolité musicale sans te méfier que tu en attrapes immédiatement plein la tronche dans un monde mis en pièces par les profiteurs de tout poil et les grands dispensateurs des calamités des temps nouveaux. Puis vient le moment de pause au son d’un cor anglais entre les bras d’une femme aux incarnations multiples qui vous apprend les délices de la différence et vous prépare à l’acceptation de l’autre. Que serait la vie sans rencontre ? : « L’amour c’est comme Jésus / Comme le bon vin / Les frites saucisses / Y,a rien au-d’ssus» . Mais rien ne va de soi. Et soudain, sans transition, tombe l’invite à rejeter la came, tout juste précédée d’un regard sur l’humanité manipulée par quelques marchands de canons : »Moi je vous vends la guerre ».

Au fil des chansons Pierre Perret t’amène à ouvrir les yeux sans concession sur notre vie mondialisée. Car la destinée individuelle n’est-elle pas une oscillation permanente entre le quotidien – « Je ne suis jamais allé aux putes » -, et les grands déchirements révélateurs de la faiblesse humaine, de la guerre avec ses marchands de canons à la cigarette et ses marchands de mort.

Contrastes permanents, y compris dans la mise en forme musicale tout à fait reconnaissable de Pierre Perret, à croire qu’il aurait pu se cantonner dans la chanson pour enfants de bonne famille, pour le plaisir de faire fredonner papa, maman, grand-père, grand-mère, alors qu’il vous assène des images à vous mettre les foies au cœur des certitudes en égrenant ce qu’il faut pour faire une bonne guerre, un bon film, un mariage, un Président, voire même une chanson.

Treize chansons puis une dernière, pour nous donner du baume au cœur, « Une minute de soleil en plus »

Qui c’est « Çui-là » ? C’est Pierre Perret, un grand. Et n’hésite pas à te procurer au moins deux exemplaires de son dernier CD, un pour l’offrir, un pour te faire un cadeau, si l’autre n’y a pas pensé, ce qui dans le meilleur des cas, pourrait aboutir à la multiplication des galettes, mais pour une belle écoute de la vie.

Henri Lafitte, Chroniques musicales
28 décembre 2002

Pierre Perret, « Çui-là »
CD de quatorze chansons
Adèle, 2002