Penser l’Archipel demain

Le doux ronronnement de la vie au quotidien ne saurait nous éviter la question fondamentale de notre identité de demain, car elle apporte l’éclairage indispensable à l’identification nécessaire de celle d’aujourd’hui.

Que sommes-nous devenus depuis 1992 ? Quelles leçons avons-nous tirées des nombreux tâtonnements qui ont, malgré tout, assuré la survie du système général grâce à ce que l’on appelle communément, sans trop se poser de questions, la « solidarité nationale » ? Bien que la caravelle figure sur le drapeau de l’Archipel, la morue était son véritable emblème. Comment porte-on désormais ce fil d’Ariane identitaire à l’heure de la morue engraissée dans des enclos marins ? Nous reconnaissons-nous dans le goût même, si différent de la morue d’élevage avec sa sœur sauvage ?

Chacun se sait, inconsciemment ou non, désemparé, car les repères traditionnels, perceptibles encore jusqu’à la fin des années quatre-vingt, sont en train de s’estomper avant, qui sait, de disparaître totalement. Seule la mémoire collective, avec ses défaillances, sera là pour nous les rappeler. L’on n’échappe d’ailleurs pas au risque de l’oubli. N’est-il pas révélateur que le musée de l’Arche ne soit pas un musée de la mer ? Ne reflète-t-il pas déjà une société qui se cherche ?

Face à ce défi existentiel, les politiques sont muets, le discours n’étant trop souvent que le reflet d’une gestion morcelée, sans projet mobilisateur. Et l’Archipel, en ce début de vingt et unième siècle souffre de l’absence de ce fil conducteur.

Henri Lafitte, 30 mars 2003