Chronique du 5 mai 2003

C’est pas d’ma faute à moi, c’est d’la faute à l’autre.
Moi, c’est le Président du Conseil général, l’autre, c’est le Préfet.
Ainsi peut-on résumer l’édito – à moins que ce ne soit pas un édito puisqu’il faut pour cela être éditorialiste, – du président du Conseil général dans l’Echo des Caps du 2 mai 2003.

Dès l’intro, in petto, le combat est en branle : « certes j’ai reproché au patron des Nouvelles Pêcheries d’avoir mis tout le monde dans le même panier… » Comme il s’agit de crabes, nous voilà fixés. A ceci près qu’on se disait qu’il y avait un seul panier, mais qu’on s’est trompé, vu qu’il y en a plusieurs, semble-t-il. Et dire que la classe politique se chamaille depuis plusieurs mois sur les indemnités des conseillers, alors qu’il s’agissait tout simplement de primes de paniers. Et dire qu’on n’avait rien compris.

Le crabe ne se laissant plus pincer, il faut aller au feu d’bon Dieu, comme disait mon père. Pour cela, il faut un bateau. Car on ne peut aller le chercher à pinces, le crabe. Mais pour acheter un bateau, il faut du pèze et du pèze, comme il n’y en a pas, il faut le demander… au Gouvernement, qui peut se demander après tout s’il ne risque pas de mettre de l’oseille dans un panier percé. Auquel cas, le crabe mettrait les voiles ce qui serait une perte sèche sur fond d’argent liquide. Enfin, une fois qu’on aura pêché le crabe au-delà des 200 milles, qu’est-ce qu’on va faire du bateau ?

Quel est en fait l’état de la ressource au-delà des 200 milles ? Car « gouverner, c’est prévoir », comme le dit le Président qui n’en pince pas pour le Préfet, on l’aura compris. Or, pour prévoir, il faut savoir, pour savoir il faut étudier, pour étudier il faut prévoir. N’a-t-on pas l’impression que la crise de la pêche s’impose désormais aux hommes du fait de leurs erreurs passées et que contrairement au titre de l’article de l’Echo « Une nouvelle crise qui aurait pu être évitée », elle ne puisse malheureusement pas l’être. Qui écoutait il n’y a pas si longtemps le cri d’alarme sur la « dernière queue de morue » ? La morue est désormais officiellement reconnue comme une espèce… en voie d’extinction. Qu’adviendra-t-il du crabe, fortement menacés lui aussi dans le golfe du Saint-Laurent mais également ailleurs dans le monde ?« Certaines caractéristiques inquiétantes ont été constatées au sein de la pêcherie du crabe des neiges au niveau mondial et notamment dans plusieurs stocks de la mer du Japon et de l’Alaska. Toutes ces pêches sont caractérisées par une expansion initiale importante, un déclin inattendu, un rétablissement médiocre et une stabilisation du stock à 10% du niveau initial de la biomasse », précise un rapport canadien de Pêches et Océans de 2003.

Sans précision sur les quotas possibles, sur le coût du bateau, sur l’amortissement, l’échéancier possible pour la défense de nos droits « sur le plateau continental », sur l’avenir de l’espèce, comment le lecteur peut-il se faire une idée de l’opportunité d’un tel choix ?

Ne semble-t-il pas dérisoire de perpétuer le cycle infernal « c’est pas d’ma faute à moi, c’est d’la faute… », histoire d’éCRABouiller l’autre ? Car la crise de la ressource nécessite pour la survie d’autres ressources… humaines.

Henri Lafitte, Chroniques insulaires
3 mai 2003