“Cousu main”

Tu veux une bonne bouffée de chansons d’oxygène, qui t’aèrent la morosité, le répétitif, l’enfermement ? De la chanson « Cousu Main » en quelque sorte, avec piano, accordéon, clarinette, guitare, cloches et percussions ? Et puis un type qui chante ce qu’il a écrit, avec enthousiasme, avec humour, avec amour ? Et des mots qui te malmènent, qui te promènent, qui te mènent en bourrique ? Et des sons qui s’amusent ? Et des muses qui enchantent ? Et le dico qui fait la fête avec des mots qui se délectent, sucrés, salés ?

J’y ai eu droit, du « Cousu Main », confié main dans la main par un pote qui ne voulait pas garder ces chansons pour lui tout seul. Alors, à mon tour de t’en parler. Régis Cunin, tu connais ?

Il est de Lorraine, par là où tu es passé cent fois avec tes sabots quand tu étais marmot. Il fait partie de ceux que l’on aura pas eus. Les autres, tu sais, ceux qui laminent, uniformisent, étouffent. Régis Cunin échappe à la vie qui se calcule, s’additionne, s’évalue, se soupèse, , tu sais « les pourcentages et les virgules / Les indices et les inconnues / Les avantages et les pécules / Les variables et les invendu ». « Ces notions là se manipulent (…) Mais tous comptes faits, qui les calcule, / Les coûts humains ».

Regard sur l’argent roi qui déshumanise, sur l’aujourd’hui du genre humain « Y’a quelque chose qui coince / Dieu en perd son latin / Pourquoi l’homo sapiens / demeure aussi crétin ? » (Crochepattes & Peaux de bananes). A croire qu’il est venu observer nos politiques sur nos îles aussi inconnues que le Lorraine. Roger Cunin sait nous brosser des personnages qu’on se dit, mais c’est pas vrai, bien sûr c’est elle. Comme celle qui repasse et repasse son linge encore « Chaque fois qu’elle repasse / Ça fait pas un pli / Voilà qu’elle ressasse / Ses soucis ».

L’auteur – compositeur – interprète a la passion de la langue française. Jeu sur les mots – on se dit que Gilbert Laffaille est passé par là – comme dans « Le Béguin du bègue », une perle d ‘écriture. Humour qui décape parce que le trop plein de sérieux toujours possible est vite évacué, dans la « Chanson sans mérite » qui tourne comme une vis (un vice ?) sans fin. Harangue à la foule des frères et sœurs : « Ohé ! Vaches, mes sœurs, / Et mes enfants les veaux / Et bous, bœufs et taureaux, / Mes amis, messeigneurs » dans un « Discours fleuve comme vache qui pisse ».

Partir à la rencontre d’un poète que l’on ne connaissait pas, quel pied, n’est-ce pas ? Surtout si l’on se surprend à rimer avec lui comme dans un « rêve de rêve et vice-versa ». Et le CD qui s’achève sur une « Java nase », « Avant qu’on ait dépassé l’pire ». Et l’auteur qui nous invite à le faire « taire, merci », alors qu’on en redemande.

Henri Lafitte, Chroniques musicales
13 mai 2003

Roger Cunin, « Cousu main », AMP0304 – février – mars 2003
Courriel : Regis.CUNIN@wanadoo.fr
Site internet : www.regiscunin.com