Chronique du 14 novembre 2003

L’histoire de ces dernières décennies à Saint-Pierre et Miquelon nous aurait donc enfermés ad vitam aeternam (« sans le latin, sans le latin,la messe nous emmerde », comme chantait Brassens) dans la logique des binômes à points répulsifs ? Pen contre Poulet, Pen contre Grignon, Grignon contre Plantegenest… ; on eut même droit à un Pen contre Plantegenest, c’est te dire. Et l’histoire (permets-moi la minuscule). Pen contre Reux, Plantegenest contre Grignon (eh oui ! c’est redondant ces antagonismes bicéphales). Se souvient-on de Plantegenest contre Lesoavec ? Depuis quelques mois on a droit à Plantegenest – Valleix, l’un étant toujours le même, l’autre étant – tiens, comme ça tombe bien ! – le Préfet. Tu remarqueras au passage, ô lecteur sagace, la permanence dans la bicéphalie antinomique de l’une des têtes de…, de… (merde ! le mot ne me vient pas). De là à te dire que s’il n’avait pas été là, les autres auraient été tout seuls… C’est compter toutefois sans le docteur Jekyll de tout être humain – et c’est d’autant plus repérable dans un microcosme insulaire – qui cherche souvent son Mr Hyde, histoire de se coltiner avec quelqu’un.

« Mais qu’est-ce qu’elle a ma gueule ?», aurait pu résumer le Président du Conseil général, à force de constater in vitro (le tube cathodique) la tendance à vouloir la lui faire. Trois solutions, a-t-il précisé péremptoire sur les ondes de RFO : UN : le binôme (je résume) entre dans les clous ; DEUX : le Gouvernement dissout le Conseil ; TROIS : il rappelle le Préfet. Des clous ! pourrait-on s’exclamer.

Et l’électeur de manger des chips en regardant la télé !

Pendant ce temps, en attendant la manne pétrolifère à haute valeur hypothétique, une énergie folle est gaspillée, l’Archipel s’enlise, les projets ne restent que des projets, les effets d’annonce sont toujours aussi mirobolants, la pêche aux gros sous a nettement supplanté celle de la morue, la moindre erreur humaine peut balayer des années d’efforts (a-t-on suffisamment pris en compte la fragilité du milieu aquatique dans la baie de Miquelon ?), la fumée de l’incinérateur devrait plus que jamais donner lieu à une analyse indépendante, l’incertitude grandit au niveau des emplois peu ou pas qualifiés, ou si circonscrits que la reconversion est difficile, les angoisses se tissent au fil des « avantages » dénoncés par des interventions déstabilisantes (ainsi en va-t-il de la dernière en date avec le député Laffineur), le peuple est bercé de mots qui le dépassent (ICCAT, OPANO, ZEE et j’en passe), les réunions appellent d’autres réunions, le transbordement a fait couler plus de salive que d’encre douanière, le pétrole a pollué les esprits sans qu’on en ait vu la moindre goutte et le bâtiment n’est même plus le ciment des différents protagonistes.

Il y a toujours autant d’eau dans le gaz entre les responsables, me rappelleras-tu. Tu vois donc bien qu’il y a comme un enfermement. C’est le poisson qui se mord la queue. Au moins cette espèce n’est pas en voie de disparition, pourras-tu ajouter. Rien de nouveau sous le soleil ou dans la brume, me diras-tu encore. Auquel cas tu constateras qu’au bout de « 52 minutes pour tout dire », pour reprendre le titre de l’émission de RFO, il y aurait encore beaucoup à dire. Et je ne t’en dis pas plus.

Ah ! J’oubliais ! Marc Plantegenest sera candidat aux sénatoriales. Mais est-ce une nouvelle ?

Henri Lafitte, Chroniques insulaires
14 novembre 2004