Chronique du 1er décembre 2003

Il pleut à Saint-Pierre et Miquelon en ce 1er décembre 2003, et c’est aussi naturel que :

 Luc Ferry reculant après qu’il eut avancé ;

 Nicolas Sarkozy et Alain Juppé affichant leur unité ;

 Le président du conseil général s’enfermant dans sa tour d’ivoire.

Il pleut à Saint-Pierre et Miquelon en ce 1er décembre 2003, et c’est aussi naturel que :

 se préoccuper de l’âge du capitaine ;

 jalouser son voisin sur nos îles recroquevillées ;

 proclamer le développement dans l’attente du développement ;

 pratiquer la solidarité un week-end de téléthon ;

 pratiquer le chacun pour soi en-dehors du week-end du téléthon.

Il pleut à Saint-Pierre et Miquelon en ce 1er décembre 2003, et c’est aussi naturel que :

 d’entendre un responsable de l’artisanat déclarer sur un plateau télé qu’on atteint le « top du top » dans la boutique à bibelots ;

 d’entendre que sur nos îles l’air n’est pas pollué ;

 lire le programme télé de l’Echo des Caps ;

 lire la recette du Vent de la Liberté ;

 attendre le prochain journal de Cap sur l’Avenir.

Il pleut à Saint-Pierre et Miquelon en ce 1er décembre, et c’est aussi naturel que :

 de voir la vendeuse aller jusqu’au fond de la boutique pour trancher un pain à la boulangerie ;

 de voir la vendeuse aller jusqu’au fond de la boutique pour trancher un pain à la boulangerie ;

 de voir la vendeuse aller jusqu’au fond de la boutique pour trancher un pain à la boulangerie ; (eh oui ! il y avait trois clients devant toi, et chacun voulait une flûte tranchée. Flûte alors !)

Il pleut à saint-Pierre et Miquelon en ce 1er décembre 2003, sauf que l’an dernier, nous étions sous la neige et que ce qui est naturel ne l’est pas obligatoirement. Il faut se méfier des faux-semblants, des trompe-l’œil, des vérités avérées, des situations établies, des évidences oculaires, auditives, olfactive, sensitives, adhésives. Ce n’est pas parce que tu es scotché sur ma chronique que tu seras là demain.

« Il pleure dans mon cœur / Comme il pleut sur la ville », a dit le poète. Mais est-ce naturel ?

Henri Lafitte, Chroniques insulaires
1er décembre 2003

P.S. Le beau temps s’est mis de la partie dans la matinée. Tu remplaces “il pleut” par “il fait beau”, et tu plonges dans Verlaine pour trouver un rayon de soleil.