Chronique du 8 mars 2004

Appelle-moi Mathurine, si tu, veux, en ce 8 mars 2004. Pas besoin de se voiler la face – car ici on ne se la voile pas -, ça sortira des sentiers battus (car ici, on ne bat que les sentiers, tu noteras). C’est donc la journée internationale de la femme. Celle où les bourgeois feront exceptionnellement la vaisselle, ce qui commence à faire beaucoup, avec la fête des mères. Comme quoi l’inflation est souvent au bout du chemin pavé de bonnes intentions. D’autres offriront des fleurs, preuve s’il en était besoin, que le rapport sexué existe bel et bien. Les politiques – mâles – feront le décompte des sièges. Mais ne dit-on pas une paire de fesses, quel que soit l’élu ? Pas question dans l’entreprise de pincer aujourd’hui celles de sa secrétaire. Car voix-tu, on ne dit pas, dans notre langage, pincer les fesses de son secrétaire ; cela sonne d’entrée comme une déviance. Beaucoup feront la fête entre elles, ce qui en laissera beaucoup (eux sans elles), orphelins de leurs orphelines. Tout ça parce que l’ONU a décidé en 1977 qu’on leur consacrerait une journée (aux femmes, pas aux orphelines). Une journée, mais pas plus hein ? Car si ça manifeste dans notre douce terre de France contre les violences et les inégalités au travail, c’est bien que l’ordinaire reprend ses droits, dès le 9. Et l’ordinaire est masculin, tu remarqueras. Et la violence conjugale, ça n’existe pas à Saint-Pierre et Miquelon peut-être… ?

Demain ce sera donc le 9. Tu pourras mesurer l’hypocrisie des discours de la veille et le retour à la normalité (l’anormalité ?) Mais il fallait bien en cette journée qu’un turlupin sur Mathurin te turlupine. Non ?

Et ne cherche pas d’images d’Afghanes voilées sur ta télé. On ne nous en montre plus depuis que les Américains y sont. Preuve que s’il n’y a pas d’images les réalités peuvent être différentes.

Henri Lafitte, Chroniques insulaires
8 mars 2004