Chronique du 22 novembre 2006 (2)

L’ambiance à Saint-Pierre et Miquelon est souvent tendue. S’est-on interrogé sur les effets pervers de la télé de proximité dans un espace aussi exigu que le nôtre ? Qu’un propriétaire de chien soit condamné pour avoir tenté de noyer son labrador – une forme de violence animale trop longtemps pratiquée sur laquelle on aura jusqu’à présent fermé les yeux -, chacun peut s’en satisfaire, tout au moins dans les rangs de ceux qui plaident pour une saine évolution du comportement humain. Qu’on livre le nom du propriétaire à la télé comme l’on ferait d’un criminel, voilà qui devient oppressant. S’il fallait publier, dans une aussi petite communauté que la nôtre, les noms de tous ceux qui à un moment donné de leur vie font une connerie, un dérouleur sur vingt-quatre heures ne suffirait sans doute pas à faire le tour.

Car la lente évolution vers un mieux-vivre passe par un travail patient sur le terrain en-dehors des effets médiatisés portés par la mode délétère de la télé réalité. Tout présenter au Vingt heures enclenche un nivellement de la perception à l’encontre de tous les faits : comment, par exemple, faire la différence entre une violence envers un animal, critiquable et justement punie, mais qui doit être perçue à sa juste dimension, et la disparition d’une jeune femme ? Le plateau du Vingt heures se transforme en grande bouffe du voyeurisme. Et là réside le danger.

Faut-il en revenir au temps où l’on évoquait en cours de journal les sujets locaux lorsqu’ils revêtaient une importance qui relevait du choix du journaliste ? Le paradoxe n’est-il pas que la télé finit, dans notre univers microcosmique, par faire écran sur la vraie vie dans l’enchevêtrement de sa beauté et de ses laideurs ?

Henri Lafitte, Chroniques insulaires
22 novembre 2006