Chronique du 17 juin 2007 (2)

La sclérose guettait Saint-Pierre et Miquelon, dans le monolithisme du pouvoir et de son image affichée. La concentration du pouvoir est rarement bonne conseillère. L’élection d’Annick Girardin, jeune femme quarantenaire qui aura fait ses preuves dans un travail acharné qui ne lui avait pas permis, jusqu’aux législatives de juin 2007 de l’emporter, ouvre une nouvelle porte de l’espoir.

Pour la respiration démocratique tout d’abord. Depuis quelques mois, les signes de l’essoufflement de l’équipe en place, issue du mouvement Archipel Demain, était patent. Pourtant, il serait de parti pris de dire que rien n’est fait. Mais le risque de l’enfermement dans la bulle des certitudes commençait à se faire sentir, y compris chez le président de la Collectivité, Stéphane Artano, partie prenante du renouvellement nécessaire pourtant. Sans doute que le climat de partenariat constructif, dans le respect des différences, qui s’est dégagé au soir du succès d’Annick Girardin sera propice à l’émergence de nouvelles possibilités. La synergie fort probable avec le sénateur Denis Detcheverry, maire de Miquelon, d’un bord politique pourtant opposé, promet d’être bénéfique. Il reste à chacun de bien trouver ses marques.

Pour l’exercice de l’honneur, toujours valorisant. Pour la première fois peut-être, dans les décennies récentes, l’on aura assisté, en direct, sur le plateau télévisé, à un échange apaisé entre le battu et le gagnant, la gagnante en l’occurrence. Le député sorti n’était pas marqué du sceau de l’opprobre ; d’ailleurs, son résultat de second était très honorable, avec une différence de 90 voix. Un score qui donnait encore plus de panache à la réussite de l’impétrante qui aura réussi à battre un élu d’une longue expérience. Difficile alors de ne pas nous sentir fiers de cette insularité en écoutant vainqueur et vaincu, dignes dans leur échange, au sortir d’une joute électorale qui, dans une définition qui dépasse notre Archipel, suscite d’abord l’expression des clivages avant le verdict des urnes.

Pour un nouvel apprentissage démocratique enfin. Que de rendez-vous autres auront marqué l’Histoire récente ! Comment ne pas penser par exemple, en creux, à la sortie de la scène politique d’Albert Pen, un soir de sénatoriale qui aura laissé un goût amer à qui souhaite de meilleures joutes politiques ? Un terrible jeu de coulisses mettait fin, sans panache, à une des carrières les plus marquantes de la scène politique locale. Comment ne pas évoquer la fin pathétique de Marc Plantegenest et de son équipe dans leur dernière représentation au Conseil général ? Un mandat de trop ? Sans doute, déjà. La participation de cet autre acteur clef de la scène insulaire au premier tour des législatives aura donné lieu à une meilleure sortie, l’homme acceptant de reconnaître que le temps de passage de témoin était arrivé. Alors qu’un autre candidat battu, Bernard Le Soavec, oublié sur fond de contentieux larvé par le mouvement Archipel Demain auquel il aura, en son temps, fortement contribué, savait rester logique dans ses appréciations, seule la maire de Saint-Pierre aura marqué les esprits par sa crispation au soir du premier tour des législatives. Battue, elle n’aura pas su trouver les mots qu’il fallait. Écho d’un cap regrettable dans un processus de renouvellement non encore achevé ? L’avenir nous le dira.

Ne pas oublier notre identité, tel était le leitmotiv du candidat battu au soir de sa défaite. Mais le succès d’Annick Girardin, tête de file du mouvement Cap sur l’Avenir, portait clairement, au soir d’un rendez-vous qui aura passionné la population, la capacité de renouvellement de notre Archipel. Tant que les témoins pourront se transmettre, la course sera belle sur les chemins de nos couleurs.

Henri Lafitte, Chroniques insulaires
17 juin 2007