Chronique d’une “Chronique d’un musicien entre deux siècles”

J’aime me rendre disponible à l’inattendu. N’est-ce pas ce qu’on a le mieux à faire, sachant que par définition, on n’en a pas la maîtrise. Bien sûr, l’on optera pour l’agréable, que l’on qualifie généralement de « chance ». J’aurai donc eu la chance de découvrir Jacques Borsarello, artiste – écrivain, haut de gamme, oserai-je ajouter, le tout en deux temps. Le premier, lors d’un spectacle, où l’artiste, professeur au Conservatoire de Versailles, n’hésita pas à se mettre en danger dans une interprétation jazzy, hors de son champ musical habituel, ce qui me convainquit d’entrée de la qualité d’âme de cet altiste dont la vie aura été orientée vers la musique dite classique ; la seconde, son livre de nouvelles entre les mains, « Réaltor B, Chronique d’un musicien entre deux siècles ».

Livre de nouvelles donc, avec quelques pages consacrées à l’enfance, en ouverture, dans un style qui sait la refléter ; mélange entre les premiers pas vers l’instrument, l’onirique, voire même le fantastique : un « Réaltor » se cache-t-il derrière la porte ? Puis nouvelle déclinaison du thème, en fermeture ; l’enfant est devenu l’adulte parvenu aux premiers soirs d’un retour sur un parcours de vie. Le narrateur – auteur – être de fiction (ne sommes-nous pas en perpétuelle oscillation entre ces identités imbriquées) n’ose pas rentrer dans l’appartement où il avait été accueilli pour la première fois alors qu’il n’était qu’un enfant, encouragé par son environnement familial, à s’initier à son tour à un instrument : ce serait l’alto. Entre les deux termes, treize autres chroniques aussi exaltantes, les unes que les autres. J’ai accroché, je dois le dire, à cette diversité, dans les thèmes et dans l’écriture. Ici on redécouvre des métiers oubliés – l’archetière, le souffleur des grandes orgues -, là on part en quête de l’instrument idéalisé ; au fil du livre, le lecteur est initié à l’inconnu des coulisses, aux grandeurs et aux petitesses, aux rêves jamais réalisés, au talent ou au charlatanisme. Sans doute ai-je vibré tout particulièrement au vécu de l’alto lui-même dans une « lettre à mon luthier » originale.

Il est des livres que l’on découvre, parcourt et délaisse ; il en est d’autres, comme cette « chronique d’un musicien entre deux siècles » que l’on reprend à plaisir, comme un disque que l’on réécoute pour de nouvelles émotions, de nouvelles rêveries, d’autres découvertes. Je me suis même amusé à me dire qu’entre altiste et artiste, tout était dans la nuance de l’  « r ». De quoi donner des « l »  à l’imaginaire.

Henri Lafitte, Chroniques insulaires
8 mars 2008

Jacques Borsarello, Réaltor B, chronique d’un musicien entre deux siècles
Symétrie 2004 – ISBN : 2-91-4373-09-0
Disponible sur fnac.com