Chronique du 13 avril 2010

S’ouvrir soudain à Guillevic et Xavier Grall, tous deux Bretons aux parcours différents, aux écritures qui s’entrechoquent, l’une vue comme étant comme trop concise et sèche par l’autre, l’autre comme trop imprégnée de folie. Deux auteurs aujourd’hui décédés, l’un ayant dépassé la barre des quatre-vingts horizons, l’autre la cinquantaine. Deux forces qu’Yvon Le Men aime à porter, à transmettre, lui qui ressent leurs différences comme deux magnifiques convergences.

Lecture de l’un ou l’autre extrait, mais surtout intensité lorsque le poète, en visite à Saint-Pierre, revisite, sans le support écrit, ces textes nourriciers pour une perpétuelle réécriture. Car ainsi va la vie, sans cesse reformulée. N’en mesure-t-on pas la portée, si souvent, que lorsque les auteurs sont partis rejoindre les poussières d’étoiles ?

Nouvelle rencontre dans la galerie Barachois du Centre culturel ; certes, nous ne sommes pas dans les soirées de grande foule, mais le partage est à l’ordre du jour, comme autant d’incitations à de nouveaux voyages. Et quels seront les effets demain des battements d’ailes des nouveaux papillons ? Alexis Gloaguen aura voulu ces moments, avant de partir vers d’autres imaginaires ; il est heureux.
J’aurai amené ma guitare pour quelques notes de fin de soirée. Entre-temps, nous aurons encore exploré René-Guy Cadou, Tristan Corbière. J’ai un enregistrement de René-Guy Cadou avec une voix de femme, dit une porteuse de contes ; fort probablement Martine Caplanne, dis-je. C’est ça, confirme-t-elle. Je me souviens d’une rencontre avec Martine Caplanne, à Ondres, un soir de chansons. Et puis, j’ai son CD où elle chante le poète breton. La vie a de beaux clins d’œil. « Certains le ciel est si bleu qu’on voit l’avenir à sa porte… » Je me suis plu à réécouter ce texte au lendemain de la rencontre, entre exaltations et nostalgies.

Yvon Le Men raconte les rencontres, les personnages, les campe dans leurs cheminements ; nous franchissons le portail de l’intimité. Pourquoi me plais-je à imaginer soudain la poésie comme un concentré de physique quantique ?

Yvon Le Men a souhaité que je chante un texte de Gilles Servat. Moment de grand plaisir pour moi ; j’ai retenu La Maison d’Irlande. Salut de par-delà les ans; Nantes, je me souviens. (Re)trouvailles de bonheur quand les mots leur donne un sens renouvelé.

Henri Lafitte, Chroniques insulaires
13 avril 2010