Bruno Doucey, Ceux qui se taisent

Un livre écrin qui s’ouvre dans l’émerveillement de l’amour.
Mais le temps suspendu du bonheur n’interdit pas les regards sur la vie et ses méandres douloureux.

Souvenirs crétois, un village en ces jours meurtris par la crise dans le silence du jeu secret des « hommes gris » de « l’Eurogroupe ». Plume incisive, condensés de quotidiens. Humilité, souffrances, minutes simples de la vie. 

« Une femme vêtue de noir… » Katarina, Nikos, Michalis, Kostas… Autant d’intensités campées en quelques mots. Force du Verbe, lumière du poète, magie évocatrice de Bruno Doucey, parolier de Ceux qui se taisent. 29 premiers textes suivis de bien d’autres. 

Bruno Doucey, poète-éditeur, vient de recevoir en ce mois de mai 2016 un prix en Bretagne pour ce condensé de regards. Cela ne m’a pas surpris, ayant été captivé par son approche – dans une actualité qui nous touche au coeur – et par la finesse toujours renouvelée de son écriture.

Refuser de vivre à genoux ; je me sens bien dans cette affirmation. 

Mais la vie c’est aussi la maladie qui te tombe sur la tronche. N’es-tu pas alors tel un naufragé sur Clipperton ? Le poète est là encore pour insuffler l’espoir, pour lutter, accompagner, lutter encore. Combat inégal, textes poignants, d’un 28 février à un 27 mars. J’ai pensé à mon père, à ma mère, à des amis proches. Mon ciel intérieur s’est brouillé soudain, textes sous les yeux qui auront su traduire l’inexprimable.  Poèmes qui portent l’impressionnisme de l’intime.

Et puis il y a l’embrigadement en ces temps troublés, le martèlement des consciences et l’étouffement de la liberté. Un fils échappe à sa mère… Tourmentes, violence au nom d’un Verbe détourné. « Vendredi 13 novembre, Vent de folie braises et cendres »… Il est tant de familles meurtries, d’autres désemparées face à des déviances qui leur échappent. Parler, parler encore, révéler la frontière où tout bascule pour se réveiller contre « la horde honteuse du racisme ». Bruno Doucey aura abordé trois registres de l’indicible. Et « ces paroles qui remontent du silence comme l’odeur de la terre sous une pluie d’été » me portent vers les rives de l’essentiel.

Henri Lafitte, Chroniques insulaires
19 mai 2016

Bruno Doucey, Ceux qui se taisent, Editions Bruno Doucey – 2016 – ISBN : 978-2-36229-105-0